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Les critiques de Bifrost

Autobiographie d'une machine ktistèque

Autobiographie d'une machine ktistèque

R. A. LAFFERTY
ACTES SUD
288pp - 22,00 €

Bifrost n° 75

Critique parue en juillet 2014 dans Bifrost n° 75

Deuxième titre paru en « Exofictions » chez Actes Sud, Autobiographie d’une machine ktistèque (aussi connu sous le titre de Tous à Estrevin ! dans son incarnation chez Presse Pocket en 1981) se situe aux antipodes du Silo d’Hugh Howey, roman inaugural et très dispensable de la collection (voir critique in Bifrost n°73). Après un post-apocalyptique light, place à une autre forme de science-fiction, celle de l’un des auteurs les plus excentriques qui fut : Raphael Aloysius Lafferty.

Hormis Les Annales de Klepsis (Denoël, 1985), toute l’œuvre traduite de Lafferty a paru en France dans les années 1970. Faut-il préciser que les romans du sieur Lafferty sont pour le moins particuliers ? C’est tout à l’honneur d’Actes Sud que de le republier. En souhaitant à l’éditeur arlésien plus de chance dans cette entreprise que Zanzibar, maison mal-heureuse désireuse de republier tout Lafferty, et dont la réédition des Quatrièmes demeures en 2010 fut tout à la fois l’acte de naissance et de décès.

Arrive le moment où l’on en vient à vouloir parler du livre lui-même, à dire de quoi il est question. Chose ardue pour cette Autobiographie…, où toute notion d’intrigue est secondaire. De fait, l’essentiel est dans le titre : Epikt, machine sentiente élaborée par l’Institut de la Science Impure, raconte la première année de sa vie (Lafferty se présente comme le simple rapporteur de ses propos), et le fait avec moult digressions, s’attardant sur ses relations avec les scientifiques ayant participé à sa naissance — une galerie de personnages plus bizarres les uns que les autres, dont un géant, un fantôme, un roi sans couronne, un ingénieur pas génial, un certain Aloysius et un type nommé Estrevin dont on ne sait pas grand-chose… L’ensemble n’est pas sans évoquer, de façon lointaine, certains textes des frères Strougatski (on pense à Le lundi commence le samedi ou La Troïka).

La machine ktistèque narratrice du présent roman avait déjà fait une première apparition dans « Comment elle s’appelle, déjà, cette ville ? » (in Le Livre d’or de la science-fiction : Lafferty), délicieuse histoire à chute bien plus accessible. On ne saurait alors que trop recommander aux néophytes ledit Livre d’or (que l’on peut encore trouver d’occasion) afin de se familiariser avec R.A. Lafferty. De fait, cette Autobiographie… risque de désarçonner les amateurs d’histoire claire et compréhensible et de donner des boutons aux allergiques aux digressions. En revanche, ceux qui sont disposés à lâcher prise et à se laisser porter par le bavardage d’Epikt, souvent joliment absurde, adoreront.

Erwann PERCHOC

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