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Les critiques de Bifrost

American Gods

American Gods

Neil GAIMAN
J'AI LU
608pp - 8,90 €

Bifrost n° 82

Critique parue en avril 2016 dans Bifrost n° 82

Ombre vient de passer trois ans en prison pour un braquage qui a mal tourné. La veille de sa sortie officielle, le directeur le convoque pour lui apprendre qu’une remise de peine lui a été accordée. Dans l’avion qui le ramène chez lui, il rencontre un homme étrange qui se fait appeler Voyageur et lui propose un emploi d’assistant personnel. Ombre refuse, rétorquant que son meilleur ami a déjà du travail pour lui. Cependant, il apprend bientôt que ce dernier est décédé. De dépit, il finit par accepter la proposition du mystérieux Voyageur.

Si ce petit résumé du tout début de l’intrigue d’American Gods a de quoi dérouter, c’est qu’il pourrait très bien ne pas relever des genres dits de l’Imaginaire, être le début d’un roman noir ou même d’une histoire de littérature blanche. Pourtant, ayant raflé quasiment tous les prix en 2002 (Hugo, Nebula, Locus, etc.), on se doute qu’on ne va pas en rester là. En effet, très vite, les éléments fantastiques se mettent en place. Voyageur, arnaqueur à la petite semaine, va bientôt se révéler être bien plus que ça. Dans la version originale, ce personnage se nomme Wednesday (mercredi). Littéralement, cela signifie « le jour de Wotan ». Or, Wotan n’est autre qu’Odin, le dieu principal de la mythologie nordique. Ce que va alors découvrir le lecteur à travers les yeux d’Ombre, c’est que, depuis des siècles, le Nouveau Monde a accueilli sans le savoir tous les dieux antiques emportés avec eux par les migrants venus des quatre coins de la planète. On trouve dans ce roman aussi bien le Leprechaun du folklore irlandais que les dieux des mythologies slaves ou de l’Égypte ancienne, en passant par Anansi, le dieu-araignée d’Afrique de l’Ouest. C’est sous l’impulsion de Voyageur, qui tente de les unifier, que les anciens dieux se mettent à faire la guerre aux nouveaux, ceux de la vie moderne.

La richesse de ce roman vient avant tout de son double niveau d’intrigue. D’un côté, Voyageur, qui tente de fédérer ses collègues divins sous sa bannière belliciste, tandis que, de l’autre, Ombre semble vivre une vie tranquille dans une petite ville hors du temps, pétrifiée par la neige et le froid. Et si le premier niveau se révèle au final assez décevant, le second, qui est en fait la trame principale du roman, s’avère passionnant. Même si Ombre a tendance à subir les événements plutôt qu’à agir, sa quête initiatique tranquille va le mener bien au-delà de ce qu’il pouvait imaginer. Vibrant hommage aux États-Unis, comme Neverwhere se voulait une déclaration d’amour pour Londres, ce petit pavé de six cents pages se lit avec une facilité déconcertante. C’est tellement bon que la dernière page lue, le lecteur espère une suite. Elle s’intitule Anansi Boys.

Après maints déboires, l’adaptation d’American Gods va enfin voir le jour sous la forme d’une série télévisée. Il va falloir encore faire preuve de patience puisque la première diffusion sur le petit écran n’est pas prévue avant 2017…

Antoine CHALET

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