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Les critiques de Bifrost

Vers Mars

Vers Mars

Mary Robinette KOWAL
DENOËL
448pp - 24,00 €

Bifrost n° 105

Critique parue en janvier 2022 dans Bifrost n° 105

Relatant la suite du parcours de la Lady Astronaute, Vers Mars poursuit l’uchronie dont Mary Robinette Kowal avait fixé le point de départ en mars 1952 dans Vers les étoiles (cf. Bifrost n° 101). On y découvrait Elma York et son époux Nathaniel, dont la vie bascule suite à la chute sur Terre d’une météorite au large de la côte Est des États-Unis. Ce cataclysme provoque un dérèglement irrémédiable du climat de nature à entrainer, à terme, l’extinction de l’espèce humaine. Pour échapper à ce funeste scénario, une coalition internationale lance un programme spatial ambitieux avec pour objectif d’établir des colonies hors de la Terre. C’est ainsi que l’autrice a entamé la réécriture de l’histoire de la conquête spatiale dans un premier tome multirécompensé – le Locus, le Nebula, le Hugo et le Sidewise, s’il vous plait.

On retrouve dans ce deuxième opus les qualités qui faisaient la force de son prédécesseur. D’une part, le soin méticuleux avec lequel Mary Robinette Kowal se réapproprie le climat particulier des États-Unis d’après-guerre ; à un point de vue politique, économique et écologique bouleversé par la tragédie se mêlent le spectre de la Seconde Guerre mondiale, la ségrégation, l’antisémitisme et le sexisme propres à cette période historique. Une dé­cennie plus tard, alors qu’Elma est devenue la première femme astronaute et travaille comme pilote sur la Lune, ces antagonismes se font toujours sentir, aussi bien entre collègues que dans la façon dont le programme spatial est géré. S’y ajoutent les contestations liées à l’attribution d’une grande partie des ressources terrestres à un projet dont peu d’élus perçoivent les avancées et bénéfices, rejoignant des considérations déjà d’actualité dans les an­nées 60 qui résonnent en­core aujourd’hui. D’autre part, la trame est encore une fois portée par un travail de documentation poussé contribuant indéniablement à la crédibilité du récit et des événements décrits.

La plus-value de Vers Mars provient de l’écriture de ses protagonistes et de la gestion de leurs rapports au cours d’une mission destinée à ouvrir la voie à la première colonie martienne. Mary Robinette Kowal s’intéresse particulièrement ici à la psychologie des astronautes au cours de missions longues de plusieurs mois ou années. Depuis la sélection des membres d’équipage en passant par le trajet et les avaries possibles, jusqu’à l’aboutissement de la mission, tout y passe : les tensions liées aux rapports individuels et sociaux au sein d’un équipage confiné, la gestion interne et médiatique de la mis­sion, la séparation, le deuil, les troubles mentaux. Les portraits sont à la fois fascinants, touchants et réalistes ; l’agaçant archétype de la Mary Sue est quant à lui soigneusement évité. Certes, le concède aisément Mary Robi­nette Kowal en postface, le taux d’échec devrait être plus élevé – une broutille, en regard du travail accompli.

Camille VINAU

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