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Les critiques de Bifrost

« Il faut se figurer Susto, utopie universaliste fondée en Antarctique par les réfugiés climatiques de tous horizons, comme un éventail de trente kilomètres de côté, se dépliant du cap Crozier au mont Bird, dont l’anse se situe au pied septentrional du mont Erebus et dont chaque lamelle – ou épingle – est numérotée de 1 à 11. »

Imaginez, d’un point de vue très large, cette métropole où se côtoient et se mélangent les ethnies survivantes, quelques instants dans un futur proche. Maintenant, penchez-vous sur cette masse mouvante où gronde la révolte, sur ce grouillement accroché au pied d’un volcan au bord de l’éruption, sur ces quelques battements d’ailes de mouche et

)))) BAM ((((

Voilà, vous comprenez ce que peut ressentir un lecteur égaré dans cet OVNI.

Polymorphe, l’histoire est difficile d’accès, et ne se laisse dévoiler que par bribes, et encore, difficilement, à travers les respirations de plusieurs personnages. Qu’on le lise linéairement ou en suivant les nombres des têtes de chapitre (cailloux blancs dans une forêt obscure ?) au sein de chaque partie, qu’on y revienne de façon plus méthodique ou plus bordélique, ce livre ne se laisse pas deviner. Chaque fragment de texte expose son style, toujours soigné, toujours méticuleusement calibré, à la recherche du mot juste, du signe exact, de la bonne typographie, à l’endroit parfait. Certes, c’est dépaysant, un temps, agréable, aussi, au point d’admirer quelques phrases, quelques effets visuels et sonores, et de vouloir se gargariser des bonnes tournures. Mais… qui s’y frotte, s’y pique et s’y perd. Car « Entre réalisme magique et fantastique réel », le sens s’égare souvent, le plaisir de la lecture aussi, malheureusement. Et même si la curiosité résiste, le lecteur-grimpeur en permanence au bord de la chute ne sait plus à quoi s’accrocher. Dommage, la montagne volcanique est belle, mais peut-être trop parsemée de cendres et de voies/x détournées, inaccessibles pour les non initiés. Le support n’était peut-être pas le meilleur : une adaptation en pièce de théâtre serait formidable.

Avis donc aux amateurs de lectures escarpées et dangereuses, aux aficionados de poésie et de théâtre. Pour les autres… oubliez.

Maëlle ALAN

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Bifrost n° 114
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