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Les critiques de Bifrost

Sur la route d'Aldébaran

Sur la route d'Aldébaran

Adrian TCHAIKOVSKY
LE BÉLIAL'
160pp - 9,90 €

Bifrost n° 105

Critique parue en janvier 2022 dans Bifrost n° 105

Le cylindre de Rendez-vous avec Rama d’Arthur C. Clarke était un Big Dumb Object, comme le Caillou d’Éon de Greg Bear ou la Grande Porte du livre éponyme de Frederik Pohl : chez Adrian Tchaikovsky, la question est d’emblée posée de savoir si l’artefact extraterrestre où erre Gary Rendell, l’astronaute britannique et narrateur de Sur la route d’Aldébaran, est tout à fait de la même nature. S’y ouvrent en effet des chemins – les Cryptes – qui évoquent un peu la Voie enracinée dans le Caillou ; il est possible d’y trouver des formes de vie venues d’autres emplacements de l’Univers, un peu comme c’était le cas dans les suites au Rama de Clarke ; et pourtant, on perçoit aussitôt une dimension différente dans l’objet au cœur du court roman de l’auteur de Dans la toile du temps, le danger inhérent à l’irruption d’un artefact extraterrestre étant com­pliqué ici par des éléments horrifiants.

Dans les Cryptes, le narrateur se confronte à des monstres et s’associe avec des êtres non-humains : malgré la persistance d’une forme de socialité, a-t-il conservé sa raison ? Par ailleurs devenu capable de s’alimenter de matière organique extraterrestre et de survivre dans une plus large gamme d’environnements que ceux accessibles aux êtres humains ordinaires, la véritable nature de Rendell interroge bientôt le lecteur : ce n’est qu’à la toute fin du récit que sa som­bre logique semble offrir une inquié­tante solution à ces ques­tions.

Une paréidolie fait surnommer l’artefact extraterrestre « Dieu-Grenouille » : on rappellera que la déesse Heket à tête de grenouille des anciens égyptiens était associée au principe vital et à la naissance. Voici peut-être une clé de lecture pour ce texte aussi court que réussi, l’existence même des Cryptes (sentiers de grande randonnée à l’échelle galactique et peut-être universelle) étant la promesse de l’établissement d’une écologie d’ordre supérieur… mais aussi la menace d’une transformation irrémédiable de l’humanité. C’est ainsi que selon Tchaikov­sky, l’horreur se niche non dans le simple danger, mais dans le caractère indicible des possibles… Une belle réussite SF, on l’a dit.

Arnaud BRUNET

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