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Les critiques de Bifrost

Récits barbares

Récits barbares

Gérard MANSET
ALBIN MICHEL
256pp -

Bifrost n° 98

Critique parue en mai 2020 dans Bifrost n° 98

Le mélomane connaît Gérard Manset pour sa longue discographie ; le mélomane amateur de science-fiction plus sûrement pour l’album-concept La Mort d’Orion, parmi les premiers du genre. L’auteur-compositeur a plus d’une corde à son arc : également écrivain, il est à la tête d’une bibliographie forte d’une quinzaine d’ouvrages divers, parus depuis les années 80, et dont Récits barbares constitue le dernier en date. Il s’agit ici d’un recueil de six nouvelles, relevant à leur manière des mauvais genres qui nous intéressent en Bifrosty. Passage en revue.

Conte animalier, « Perle et Biche » n’est pas sans rappeler Marcel Aymé : Perle a pour meilleure amie Biche, qui est une… biche. Devenant sœurs de sang lors d’un serment d’amitié, elles échangent leur corps, pour ce qui doit être une journée mais va s’avérer plusieurs années – une autre manière d’aborder les troubles de l’adolescence. « Ziki et Zika » évoque La Planète des singes, avec cette civilisation simiesque post-apo’ : si les singes vivent dans ce qui ressemble à une utopie, un humain gardé comme animal de compagnie va réintroduire des maux que l’on croyait disparu… « Ayudrayapura » commence à la manière d’un conte, avec ce sultan vivant dans un royaume de fleurs et de chocolat, qui, pour se désennuyer, commande la création de plantes humaniformes ; le parcours de la première d’entre elles ne sera pas semé de roses… Pareillement, « L’Or de Plouesfouesnant » pervertit ce qui s’apparente de prime abord à un conte breton : un garçonnet accompagne une fillette aux faux airs de korrigane dans un merveilleux voyage sous-marin, jusqu’à ce que la réalité les rattrape brutalement. Dans « Le Domaine du Lys de France », un garçonnet passionné d’héraldique converse, au-delà du temps, avec des nobles de jadis qu’il est le seul à voir. Le recueil se conclut par le bref « Une fantaisie », qui entreprend de remettre les précédents récits en perspective – une initiative assez peu heureuse, les nouvelles se suffisant très bien à elles-mêmes.

Faussement naïves (à ce titre, le Douanier Rousseau s’avère un pertinent choix de couverture), portée par une langue travaillée, ces six nouvelles constituent autant d’étranges échappées dans l’imaginaire, brodant sur des thèmes familiers avec une approche toute personnelle. Pourquoi s’en priver ?

Erwann PERCHOC

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