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Les critiques de Bifrost

Miss Peregrine et les enfants particuliers

Miss Peregrine et les enfants particuliers

Ransom RIGGS
BAYARD
450pp - 15,90 €

Bifrost n° 85

Critique parue en janvier 2017 dans Bifrost n° 85

Oubliez immédiatement le film grand public de Tim Burton. Lisez plutôt la véritable histoire de Miss Peregrine et les enfants particuliers. Loin de l’univers coloré dans lequel ont voulu nous perdre les studios hollywoodiens, les romans nous plongent dans une noirceur digne des nouvelles d’Edgar Allan Poe. Dès le premier tome, le ton est donné : Jacob, seize ans, est témoin de l’assassinat de son grand-père. Luttant entre doutes et folie, essayant de comprendre les souvenirs flous et incohérents de cette nuit-là, qui ne peuvent correspondre à une réalité acceptée par le commun des mortels, l’adolescent est entraîné dans une quête qui le mène directement dans les contes fantasmagoriques autrefois racontés par le vieil homme.

Certes, au premier abord, cela ressemble à tout récit initiatique fantastique typique de la littérature jeunesse. Mais sous cette apparente facilité se cache un scénario complexe qui emprunte aussi bien au fantastique hétéroclite de Neil Gaiman qu’aux grands topoï de science-fiction. Tout au long des trois tomes, Jacob erre avec ses nouveaux amis – des enfants aux pouvoirs si particuliers qu’ils en sont plus maudits que privilégiés – à la poursuite de chimères insaisissables. Voyages et boucles temporels dans les moments sombres de l’Histoire, expériences sur cobayes humains, tentative de régime totalitaire, sans oublier des monstres dignes des cauchemars des frères Grimm, une violence qui s’enracine dans l’horreur humaine parfois si réelle… tout est calibré pour captiver l’amateur de littératures de genre, et ça fonctionne. La plume, quant à elle, s’épanouit, riche et précise, et peint avec une efficacité imparable des mondes qu’il est impossible de quitter avant la dernière page du dernier tome. Loin de cibler les jeunes lecteurs, elle s’adresse à tous et témoigne d’une belle maîtrise stylistique.

Alors oui, la trilogie est classée en « jeunesse » en France, oui, ce n’est peut-être pas l’endroit où vous iriez rassasier votre soif inextinguible d’histoires différentes, mais exceptionnellement, faites un détour. Car si Ransom Riggs a réussi à imposer son coup d’essai dans la liste si prisée des best-sellers internationaux, au-delà du succès commercial, ce triptyque possède tout ce qu’il faut pour devenir un grand classique de la littérature pour jeunes adultes – dénomination ô combien réductrice –, et surtout un incontournable de la littérature fantastique. Quelle pression, après un tel succès ! L’auteur réussira-t-il à nous surprendre encore, ou sombrera-t-il, comme beaucoup, dans les limbes de la facilité ? À surveiller de près, quoi qu’il en soit, en « jeunesse » comme en « adulte ».

Maëlle ALAN

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