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Les critiques de Bifrost

Les Femmes de Stepford

Les Femmes de Stepford

Ira LEVIN
J'AI LU
5,60 €

Bifrost n° 93

Critique parue en janvier 2019 dans Bifrost n° 93

Le nom d’Ira Levin, qui ne semble pas avoir été un écrivain des plus prolifiques, n’est pas archiconnu mais ses œuvres, pour la plupart adaptées au cinéma, le sont bien davantage – même si désormais cela concerne surtout un public guetté par la soixantaine. Plus rare mais plus brillant que Michael Crichton, ses livres sont en majorité des best sellers au premier rang desquels, bien sûr, figure Un bébé pour Rosemary adapté par Roman Polanski avec John Cassavetes et Mia Farrow, et qui reste comme l’un des meilleurs romans et films fantastiques. La couronne de cuivre fut récompensé d’un Edgar du premier roman en 1953 et adapté par deux fois : Baiser Mortel de Gerd Oswald en 1956 et Un baiser avant de Mourir de James Dearden en 1991. Ces garçons qui venaient du Brésil, adapté par Franklin Shaffner en 1978 avec James Mason et Gregory Peck, touche encore à la science fiction. Sa pièce de théâtre Deathtrap fut portée à l’écran par Sydney Lumet en 1982. Sliver, plus anecdotique, n’en fut pas moins adapté par Philip Noyce avec Sharon Stone et William Baldwin en 1993. Enfin, The Stepford Wives connu deux adaptations. La première en 1975, sous le titre français Les Femmes de Stepford par Bryan Forbes avec Katerine Ross dans le rôle de Joanna Eberhart puis en 2004 par Frank Oz avec pour titre français Et l’Homme Créa la Femme et Nicole Kidman dans le rôle principal. Romancier, dramaturge et scénariste, une vingtaine d’œuvres à peine ont suffit à imposé Ira Levin parmi ceux qui restent et la surprise n’est pas qu’il soit aujourd’hui réédité mais qu’il le soit seulement.

[…]

Les Femmes de Stepford est un court thriller d’une rare intensité où l’on voit le piège de Stepford se refermer petit à petit sur Joanna Eberhart, l’héroïne, et le suspense monter progressivement. On voit poindre la satire féministe derrière le thriller mais la qualité du suspense nuit à la qualité spéculative du roman qui ne transparaît plus qu’en filigrane. Elle masque cependant un certain manque de plausibilité. Ira Levin tenait à mettre en relief dans sa satire une forme de résistance masculine à l’indépendance des femmes, visant à les confiner dans leur rôle traditionnel – quitte à ce que la crédibilité en souffre. On voit donc Eberhart, surprise, s’interroger sur ces femmes intelligentes, susceptibles d’indépendance, se consacrer à leur seul ménage avec le soin le plus maniaque. Mais si on a la possibilité de substituer à sa femme un hybride de robot ménager et de poupée gonflable ne commencerait-on pas plutôt par l’envoyer bosser à notre place ? Mais ce n’est pas le propos de l’auteur. Réussir l’alchimie d’un thriller spéculatif constitue déjà un joli tour de force quand bien même la plausibilité engendrerait quelques réserves. En dépit ou grâce à son suspense soutenu, Les Femmes de Stepford permet au lecteur de se poser les questions sur lesquelles l’auteur voulait le voir se pencher.

Jean-Pierre LION

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