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Les critiques de Bifrost

Les Bracas

Les Bracas

Dylan PELOT
BRAGELONNE
380pp - 20,00 €

Bifrost n° 88

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Quand on a une passion, on a forcément envie de la partager. Et Dylan Pelot adorait ce que d’aucuns appellent les mauvais genres (à ce propos, bon anniversaire à la remarquable émission de François Angelier !) : films d’horreur, d’arts martiaux ; même les plus foutraques, les plus mal fichus, les pires des séries Z trouvaient grâce à ses yeux. Il y a consacré une bonne partie de sa vie d’artiste, écrivant, illustrant, filmant. Le summum étant Les Grands succès du cinéma introuvable (paru à titre posthume), où il imagine des affiches et des photos de tournage de films aux titres évocateurs (Lourdes 2024,Mon plombier dans ton cul…). Ceci posé, le roman Les Bracas apparaît comme une évidence dans la bibliographie de ce jeune auteur disparu en 2013 des suites d’une attaque cérébrale.

Retour dans les années 80. Sacha est un jeune homme amoureux fou des vieux films gore. La semaine, il fait une école de l’image à Épinal (comme l’auteur). Le week-end, de retour chez sa mère, dans son petit village enneigé, il sillonne les vidéoclubs des Vosges, fait des razzias dans les rayons de séries Z et passe ses nuits devant son magnétoscope à visionner et à faire des copies de ses découvertes. Ou à écouter les derniers succès de groupes aux noms aujourd’hui encore évocateurs : Motörhead, Metallica ou Raven. Il est souvent rejoint par les membres de sa bande de potes, les Bracas, aux surnoms fleuris : Pilpoil, P’tit Ji, Taquet, Zinzin… Ces jeunes gens pleins d’énergie connaissent de saines occupations : boire, piquer des bouteilles dans la cave des voisins et, surtout, se battre contre les autres bandes de la vallée. Et là, ils ne plaisantent pas : les dents tombent, les joues sont tuméfiées, le sang tache la neige. Heureusement, depuis quelques mois, un autre projet les unit : tourner un court film d’horreur, Shadok the Kradok. Tout un programme ! Mais peu à peu, des évènements étranges et inquiétants vont agiter ce petit monde. La maison familiale est visitée sans que rien ne disparaisse, des toiles peintes par le père décédé de Sacha sont déplacées, la forêt est agitée de phénomènes inexplicables. L’enquête commence et conduit à un vieil homme, habitant seul avec son chien dans la montagne, Milo.

Autant le dire tout de suite, Les Bracas vaut surtout par son évocation d’un passé de plus en plus lointain. Les aventures surnaturelles de Sacha et de sa bande sont sympathiques, mais semblent secondaires face à la redécouverte d’une époque révolue, celle des Walkman et des vidéoclubs, des cassettes VHS et des bandes aux blousons de métalleux qui se démolissent le week-end. Celle des découvertes de groupes musicaux devenus mythiques (qui se reforment actuellement, le temps d’une ou deux tournées destinées à renflouer les trésoreries), des petites pépites vidéos au détour d’un rayon obscur. Celle de l’amitié plus forte que tout dans un village isolé où le principal loisir est de tout casser, y compris le visage de son meilleur ennemi (ça, par contre, ça n’a peut-être pas changé). Et pour tout cela, on peut remercier Dylan Pelot. L’histoire est quant à elle délayée au profit de descriptions, réussies, certes, de tranches de vie, dont on ne peut qu’imaginer qu’elles comportent une grande part d’autobiographie (et cela rend le roman d’autant plus touchant). D’ailleurs, la résolution de l’intrigue, dans la dernière partie du récit, est vite fourguée au lecteur. Parce qu’il faut bien une explication. Et un climax. Qu’on oubliera tout aussi vite. On se souviendra par contre longtemps de Sacha et de son coin paumé des Vosges. Région décidément bien mise en valeur par la famille Pelot. Les plus de quarante peuvent donc se plonger avec nostalgie dans ce bain de jouvence. Et les plus jeunes regarder cette bulle temporelle avec un sourcil levé en forme de point d’interrogation amusé.

Raphaël GAUDIN

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