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Les critiques de Bifrost

Le Vin des dieux

Le Vin des dieux

John BARNES
J'AI LU
384pp - 7,60 €

Bifrost n° 14

Critique parue en juillet 1999 dans Bifrost n° 14

Parce qu'il a bu du Vin des Dieux, le jeune prince Amatus perd soudain la moitié de son corps : tout le côté gauche. Et parce que diverses négligences ont abouti à cette situation, le roi Cédric obtient la tête de l'Alchimiste Royal, de la Sorcière Royale, de la Servante Personnelle du Prince, et du Capitaine de la Garde (qui, après avoir exécuté les autres fautifs, réussit à se décapiter lui-même, ce qui lui vaudra le respect et l'admiration de tous).

Un an et un jour plus tard, alors que le Premier Ministre est devenu Capitaine de la Garde et Commandant en Chef des Armées (tâches plus exaltantes que son autre poste, très administratif), quatre postulants arrivent au Palais. Bientôt, ils s'avèrent exceller dans leurs domaines respectifs, et la vie reprend son cours. Amatus grandit, éduqué par ses précepteurs. Il grandit, mais n'en retrouve pas pour autant sa part absente. Ce seront les quêtes diverses qu'il va devoir mener qui lui rendront peu à peu son intégrité. Car les périls sont nombreux et la guerre menace.

Ah, c'est un livre à part que Le vin des dieux. John Barnes a choisi d'écrire une œuvre qui joue sans répit des effets de miroir — l'histoire se proclame un conte de fées, les personnages eux-mêmes savent qu'ils vivent un conte de fées, le lecteur sait à tout moment qu'il lit un conte de fées. Ce pourrait être artificiel, et c'est séduisant ; puéril, et c'est innocent ; rebattu, et c'est fascinant. Et toujours grâcieux.

Dans ce roman de fantasy avouée, nommée, analysée, l'auteur renouvèle le genre en remontant à ses sources : les contes, le jeu complice de la narration orale, l'emploi de codes stricts, mais garants d'une totale liberté de création. La langue est belle ; précieuse, ampoulée, elle souligne le décalage qu'induit la lecture. Roman d'apprentissage, mise en abyme des symboles que le merveilleux utilise et auquel il renvoie, ressorts dramatiques qui empruntent aussi bien au Grand Guignol et à la commedia dell'arte qu'à la tragédie antique, cette fable un peu scélérate vous a un charme fou.

La robe est chatoyante, l'arrière-goût plus capiteux qu'il n'y paraît aux premières gorgées, bref, ce breuvage ne peut que se déguster avec un sourire de connivence.

Pierre-Paul DURASTANTI

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