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Les critiques de Bifrost

La Chambre de sable

La Chambre de sable

Joëlle WINTREBERT
GLYPHE
184pp - 16,00 €

Bifrost n° 51

Critique parue en juillet 2008 dans Bifrost n° 51

De Lentement s'empoisonnent aux Amazones de Bohème, Joëlle Wintrebert n'hésite pas sortir à de la S-F stricto sensu. Mais elle le fait avec autant de talent que pour notre genre de prédilection. La Chambre de sable en est une preuve supplémentaire.

Marie a onze ans. Solitaire et imaginative, elle aime inventer des vies à ses voisins, comme autant de biographies imaginaires. Elle vit avec sa mère, fonctionnaire célibataire, qui déprime de ne pouvoir devenir écrivain. Pour s'évader de sa vie terne, elle peut compter sur Nana. Amie de longue date de sa mère, elle en est l'exacte antithèse. Auteur et illustratrice, elle vit à sa guise, sans mari, sans enfant ni horaires. Ballottée entre ces deux extrêmes, Marie va découvrir brusquement la réalité sordide du monde adulte. À commencer par ses hypocrisies, ses petits arrangements et ses mensonges. C'est donc tout le monde de l'enfance, son innocence et ses illusions qui vont voler en éclats, pour laisser apparaître toutes les saloperies du monde adulte. Des saloperies qui se nomment racisme, mensonge, dissimulation, suspicion, pédophilie, compromission…

Que faire alors ? S'y résigner, c'est-à-dire devenir adulte ? Ou bien chercher une échappatoire ? À supposer toutefois qu'il en existe une… à moins de l'inventer ?

L'une des grandes prouesses de La Chambre de sable, c'est son écriture. Tout à la fois fluide et ciselée. Elle n'est jamais trop guindée, jamais trop adulte. C'est un véritable enchantement. Enfin un roman avec une ado qui parle comme… une ado, plutôt que comme son auteur. L'atemporalité du roman est elle aussi frappante. On suppose que le récit se déroule en 2008, mais il pourrait tout autant se passer dans les années 80 ou 60. Et c'est certainement là l'une des marques des grandes œuvres : arriver à dégager des préoccupations et des expériences universelles de la gangue de leur époque.

À l'heure des cycles interminables et des pavés du NSO, on ne peut que se réjouir de lire des romans concis et denses tels que La Chambre de sable ou Unica d'Élise Fontenaille (en dépit d'une couverture en Livre de Poche proprement scandaleuse). Un roman majeur, ni plus ni moins, qui trouvera sa place dans toutes les bonnes bibliothèques, entre Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer et L'Attrape-cœurs de J.D. Salinger. Quant à savoir s'il s'agit ou non de S-F, nous répondrons qu'il s'agit surtout d'un excellent roman.

Bravo, et encore merci Joëlle !

Olivier PEZIGOT

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