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Les critiques de Bifrost

L'Initiation

L'Initiation

Octavia E. BUTLER
AU DIABLE VAUVERT
464pp - 23,50 €

Bifrost n° 112

Critique parue en octobre 2023 dans Bifrost n° 112

Figure marquante d’un renouveau féminin de la science-fiction américaine au vingtième siècle, récipiendaire des prix Hugo, Nebula et Locus à plusieurs reprises, Octavia E. Butler n’a eu à ce jour qu’une présence discrète en France. Pour notre bonheur, Au Diable Vauvert s’emploie à faire (re)découvrir son œuvre et lui rendre une place légitime dans nos librairies – voir le numéro 108 de Bifrost consacré à l’autrice. Après la réédition de Novice et Liens de Sang, puis de la série des « Paraboles », la maison dirigée par Marion Mazauric a lancé la publication de la trilogie inédite « Xenogenesis », avec la sortie en 2022 de L’Aube, et en 2023 de L’Initiation. Le troisième tome, Imago, est attendu pour 2024.

Dans L’Aube, les quelques survivants d’une guerre nucléaire auto-infligée furent sauvés par les Oankalis, une race extraterrestre aux connaissances en génétique avancées, à la condition de renoncer à tout libre arbitre et de s’hybrider, et donc d’abandonner une part d’humanité, afin de survivre sous une forme nouvelle. Le roman suivait les doutes et les choix de Lilith, à la fois traitre et sauveuse de son espèce pour avoir accepté l’échange avec les envahisseurs.

L’Initiation se déroule une vingtaine d’années plus tard, alors que la Terre commence à être repeuplée par différentes factions : d’un côté, ceux qui ont suivi les Oankalis, à l’instar de Lilith, vivent à leurs côtés et enfantent avec eux ; de l’autre, les opposants qui refusent toute compromission et tout contact, mais que les nouveaux maîtres de la planète ont rendus stériles. Le roman fait le récit de l’initiation d’Akin, fils de Lilith et premier métis mâle né d’une humaine. Enlevé très jeune et vendu à des opposants, il possède une apparence humaine mais des pouvoirs Oankalis, et vit une grande partie de son enfance parmi des hommes qui tentent de l’aimer autant qu’ils le haïssent, le craignent et malgré tout portent en lui leur espoir. Arrivé à l’âge adulte et devenu Oankali, il se fera le porte-parole d’une humanité perdue dans ses propres contradictions.

Après avoir adopté le point de vue d’une humaine dans L’Aube, Octavia E. Butler en change ici et prend celui d’un être né entre les deux espèces. On pourra regretter de ne pas ressentir pour Akin l’empathie qu’on avait éprouvée pour Lilith. Akin souffre du syndrome de Paul Atréides. Doté de pouvoirs extraordinaires, l’enfant enlevé aux siens adopte un rôle messianique pour son peuple d’accueil et le mène vers un destin extraordinaire après sa transformation. Mais c’est à nouveau l’intelligence et la juste mesure des idées qui fascine chez Butler. Elle approfondit les thématiques abordées dans le premier tome : libre arbitre, incommunicabilité, conflit entre intelligence des individus et hiérarchisation sociale. Elle en ouvre d’autres : quête d’identité, relations familiales et déshumanisation. C’est l’originalité et la finesse du propos qui fait de la série « Xenogenesis » une œuvre importante à lire.

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