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Les critiques de Bifrost

Klara et le soleil

Kazuo ISHIGURO
GALLIMARD
22,00 €

Bifrost n° 105

Critique parue en janvier 2022 dans Bifrost n° 105

Attendu en français depuis sa parution en anglais au printemps dernier, le nouveau roman du Nobel de Littérature, à qui nous devons déjà Auprès de moi toujours (cf. Bifrost 44), nous propose une nouvelle incursion science-fictionnelle. Nous faisons ici connaissance de Klara, « Amie Artificielle », androïde à taille d’enfant, dont les différentes générations (logicielles et matérielles) sont conçues afin de tenir compagnie aux plus jeunes, et plus fortunés.

Klara, dont nous entrons directement dans les pensées les plus fines, les émotions, inquiétudes et incompréhensions, dépend d’une part de sa place dans la boutique où elle est mise en vente – si possible au soleil pour être pleinement chargée – et de l’hypothétique enfant qui souhaitera la prendre comme compagne de vie.

Dès l’entrée en matière, la grande sensibilité, la poétique et la justesse de l’écriture marquent et donnent envie de poursuivre. Du monde où évolue Klara, nous n’avons que sa connaissance limitée et ses observations qui lui permettent de s’améliorer, de devenir une « meilleure AA » pour l’enfant attendu… qui finira par la trouver : Josie. Dès l’achat – l’adoption –, le comportement de la mère de Josie mettra la puce à l’oreille aux lectrices et lecteurs de SF aguerris. Et les indices puis révélations sur la famille de Josie, ses lourds secrets et l’importance que Klara pourrait avoir dans leur système, ne cesseront de se multiplier dans un flou entretenu par une astuce simple : la narration passe par ce que voit et comprend Klara, avec les capacités liées à son intelligence, celle-ci devenant rapidement obsolète – source d’inquiétude pour l’androïde. Par ailleurs, Klara, organisme complexe dépendant de l’énergie solaire, se réfèrera au Soleil en des termes spirituels, superstitieux ou en de touchants actes de foi… étoffant un peu plus son individualité, au fur et à mesure qu’elle la questionne.

À chaque instant, la plume de Kazuo Ishiguro fait mouche, toute en clarté, émotion et précision… mais le roman semblera s’essouffler si l’on attend de lui plus de précision sur le monde où il prend place, ou sur les personnages qui entourent Klara et Josie. Cette douce mélancolie nimbe ce récit lumineux jusqu’au bout ; la lecture en reste agréable, même si l’on manque souvent de s’y ennuyer – cela dépendra sans nul doute de chaque lectrice ou lecteur.

De nombreux concepts liés aux questions de l’IA sont abordés, sans surprendre ni décevoir, mais servis par une écriture d’une grande qualité. Il serait dommage de se priver de cette expérience. On peut recommander ce roman, pour redécouvrir ou faire découvrir ce qu’une SF légèrement décalée dans ses mécanismes a à nous offrir.

Eva SINANIAN

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