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Les critiques de Bifrost

Failles

Failles

Claude MAMIER
MALPERTUIS
134pp -

Bifrost n° 101

Critique parue en janvier 2021 dans Bifrost n° 101

On trouve souvent comme définition du fantastique qu’il consiste en une irruption du surnaturel dans notre monde réel. Rien ne saurait mieux caractériser le nouveau recueil de nouvelles de Claude Mamier. Car il n’y a pas bien loin à aller pour arpenter les mêmes décors que ses protagonistes  : il suffit de pousser la porte, de marcher dans la rue, devant une agence Pôle Emploi, de déambuler dans un parc municipal près d’un manège tournant, voire même de rester chez soi, au fond de son jardin. Pourtant, c’est bien dans ces lieux que s’immisce la menace, que la terreur s’instaure… profitant du moindre accroc dans la toile du monde. À ces failles dans la réalité répondent celles des personnages. Et à la vérité, Mamier s’intéresse davantage à ces derniers qu’à l’intervention de l’irréel : de la mère de famille inquiète du comportement de son fils à l’infirmière dans un EHPAD, de réfugiés tchétchènes à d’anciens globe-trotters qui se remémorent leurs aventures passées, tous présentent nombre de richesses dont il serait dommage de faire l’économie. Ils pourraient être votre famille, vos proches, vos voisins, et vous avez l’impression de les avoir toujours connus ; pourtant, bien qu’ils soient si semblables à vous, à nous, avec leurs peurs et leurs espoirs, ils peuvent d’un coup s’éloigner à mesure que la noirceur les envahit. Mais peu importe les circonstances, ils resteront encore et toujours, indécrottablement, humains. Ce n’est pas nouveau chez l’auteur, on l’avait déjà constaté dans Le Bar de partout, l’empathie constitue sa très grande force, surtout quand il décrit l’humanité dans ce qu’elle a de plus fragile.

Le fantastique, lui, va et vient entre ces protagonistes : tantôt évident (un homme qui tombe toujours sur pile quand il lance une pièce), il sait se faire plus discret et subtil (ces personnages sont-ils vivants ou morts ? tel animal ne serait-il pas la réincarnation d’un être aimé?), voire évanescent, fondu dans clair-obscur où le surnaturel le dispute à la folie. Mamier gomme nos certitudes, sape le sous-sol, créant des failles dans lesquelles le lecteur tombe à son tour.

Pour court qu’il soit, ce recueil n’en est pas moins riche d’émotions : concentré d’humanité brute, dont jamais la force ne faiblit, on y renoue non sans plaisir avec la voix attachante de cet admirable conteur qu’est Claude Mamier.

Bruno PARA

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