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Les critiques de Bifrost

Écarlate

Écarlate

Philippe AURIBEAU
ACTUSF
496pp - 19,90 €

Bifrost n° 100

Critique parue en octobre 2020 dans Bifrost n° 100

Massacre atroce à Providence, en 1931, dans un théâtre : les acteurs de l’adaptation de La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne ont tous été tués et leurs corps, torturés, disposés selon une géométrie bien précise. Thomas Jefferson, membre du B.O.I. (ancien nom du F.B.I.), et son équipe (une ancienne détective énergique et un chauffeur polyvalent) prennent en main l’enquête, sur ordre direct de Hoover. Le meurtre est-il politique, comme semble le prouver la fuite du gardien, un anarchiste italien au physique de brute ? Rapidement, Jefferson découvre des incohérences. L’enquête s’annonce aussi tortueuse que dangereuse. Sous un soleil de plomb, les protagonistes devront rivaliser de finesse, mais aussi risquer leur vie et leur santé mentale.

Philippe Auribeau, venu du jeu de rôles (dont L’Appel de Cthulhu, sur la traduction duquel il a travaillé et imaginé des scénarios), propose ici son deuxième roman (après L’Héritage de Richelieu, qui prolongeait la trilogie des « Lames du cardinal » de Pierre Pevel). Avec Écarlate, l’auteur nous offre un récit policier mâtiné de fantastique à la sauce Lovecraft (d’ailleurs, une surprise attend les thuriféraires du maître). Dès les premières images, l’horreur est là, avec la scène de crime. Digne d’une ouverture de partie de JdR. Mais elle disparaît rapidement, au profit d’une enquête riche – trop, peut-être. Car Auribeau, très documenté sur l’Amérique des années 30, promène son monde avec délectation. Or il est vrai qu’à sa suite, on a l’impression de voyager dans le temps. Au prix de la fluidité du récit. Les péripéties se suivent, sans lien apparent parfois. Les enquêteurs patinent, avec un certain réalisme, soit, mais le lecteur rame avec les personnages et finit par se demander où tout cela conduit. D’autant que nous suivons, à tour de rôle, les trois protagonistes qui ont la fâcheuse habitude de se séparer sans cesse. D’où un sentiment d’éparpillement, sensible dans le ventre mou du roman ; on s’accroche comme on peut dans une ambiance angoissante et poisseuse.

Et l’on croise quelques personnages historiques, autant de guest-stars convoquées non sans un certain naturel, il faut le souligner. D’ailleurs, par cette capacité à se fondre dans les histoires d’autres, à faire vivre de tels invités, l’auteur se rapproche un peu de René Sussan, alias Reouven. À ceci près que Philippe Auribeau manque encore de fluidité dans le style et dans la construction du récit pour égaler le maître. Demeure une lecture plaisante, certes, mais parfois aussi frustrante, tant on était en droit d’espérer davantage. Un jour, peut-être…

Raphaël GAUDIN

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