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Les critiques de Bifrost

Trente ans après le « Livre d’Or » que lui consacra Patrice Duvic chez Presses Pocket (et dont on retrouve ici cinq des onze textes qui figuraient à son sommaire), Richard Comballot a à son tour passé en revue l’intégrale des nouvelles de Jean-Pierre Andrevon pour nous en proposer le meilleur, vingt-deux récits couvrant l’ensemble de sa carrière, de ses débuts dans Fiction (« La Réserve », publié en 1968) à nos jours ou presque (le plus récent, « Comme un Rêve qui revient », a paru en 2002 dans Galaxies première mouture).

On peut s’amuser du titre choisi pour ce recueil, lorsque plus de la moitié des nouvelles réunies nous disent que notre monde ne connaitra pas de lendemain. Omniprésente dans l’œuvre de l’auteur, la fin du monde, ou plus exactement la fin de la civilisation, l’est également dans ce florilège. Parfois avec douceur (le magistral « Le Monde enfin », où les derniers représentants de l’espèce humaine s’effacent progressivement au profit du règne animal), parfois même avec drôlerie (« L’Arme » d’origine extraterrestre oubliée par une soucoupe volante), mais le plus souvent dans un déchainement de violence. Dans « …il revient au galop » ou « Comme un rêve qui revient », on assiste impuissant à l’Apocalypse, non sans un certain fatalisme, comme s’il était logique, et même souhaitable, que la parenthèse que constitue notre civilisation se referme et que l’on revienne, enfin, à un juste ordre des choses. Et d’ailleurs, qui regrettera cette civilisation, celle de « Salut, Wolinski ! » dont le narrateur tue à tour de bras ses contemporains dans l’indifférence générale ? Ou celle de « L’Anniversaire du Reich de mille ans », que l’on prend plaisir à voir s’effondrer brusquement. Dans l’œuvre d’Andrevon, la civilisation n’est guère plus qu’un vernis, et le retour à la barbarie ne se fait jamais attendre bien longtemps. Dans ce registre, « En Route pour la chaleur ! » est en tous points parfait. Et atroce.

Lorsque lendemain il y a, il s’apparente souvent à une longue agonie. Dans « La Réserve », les derniers humains font figure de bêtes curieuses, tandis que dans « Comme une étoile solitaire et fugitive », qui conte de manière particulièrement poignante le destin d’un enfant mutant, lui et ses congénères sont pourchassés et mis à mort. Seule « Un nouveau Livre de la Jungle des vil-les » propose un possible espoir, celui d’une humanité nouvelle, plus adaptée à ce monde d’après. Sinon, ne reste plus qu’à attendre la fin et à se palucher en se remémorant ses anciennes conquêtes (« Tout à la main »). À de très rares occasions, l’inévitable est pourtant évité de justesse. C’est le cas de manière dramatique dans « Rien qu’un peu de cendre et une ombre portée sur un mur », de façon plus ludique dans « Sur la Banquette arrière ». Mais sur l’ensemble du recueil, c’est la noirceur qui prédomine. Le texte le plus sombre étant sans doute « Epilogue peut-être ? », récit désespéré et désespérant qui aboutit aux mêmes conclusions que les autres nouvelles, mais à l’échelle galactique.

Malgré la diversité dont Andrevon fait preuve pour traiter le même thème, la sélection de Richard Comballot n’évite pas certaines redites. Le cas le plus flagrant est celui de « Un petit saut dans le passé », histoire de voyage temporel avec paradoxe à la clé. La même idée est traitée de manière beaucoup plus complexe et aboutie dans « La Porte au fond du parc entre le cèdre et les chênes », un modèle de précision dans la construction de cette intrigue où tous les éléments s’imbriquent à la perfection.

Quelques textes enfin donnent à voir un Jean-Pierre Andrevon goguenard, s’amusant avec les stéréotypes de la science-fiction. C’est le cas dans « L’Homme qui fut douze », mission d’exploration d’une planète sauvage qui tourne au désastre, et plus encore dans « Manuscrit d’un roman de SF trouvé dans une poubelle », parodie de la science-fiction populaire d’avant-guerre, où les héros galactiques sont des pleutres, et où les demoiselles en détresse ne portent pas de culotte, ou si peu.

On pourra toujours reprocher à Richard Comballot l’absence de telle nouvelle, ou la présence de telle autre, n’empêche qu’en l’état, Demain le monde réunit la quintessence de ce qui fait de Jean-Pierre Andrevon un nouvelliste d’exception et l’un des auteurs majeurs de la science-fiction en France. Et ça fait quelques décennies que ça dure…

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