Connexion

Les critiques de Bifrost

Ultime refuge d’une humanité aux abois, Iliane est une cité-dôme où prévaut une lutte des classes acharnée. En dépit de l’effondrement des ressources et de la détérioration du climat, l’oligarchie régnante veille au respect de l’ordre autogéré, via une IA omnisciente à l’omnipotence limitée au talon de fer d’une police zélée. Condamnées à vivre dans les soubassements de la ville, les masses laborieuses oscillent sur le fil de la survie et de la contestation, poussées à la révolte par les activistes de l’Ivraisse et le secret espoir d’un ailleurs utopique, malgré le caractère inhospitalier du monde au-delà des parois du dôme. Bref, rien de neuf sous le soleil de la dystopie en cette année 2516.

Second roman de Jean Krug, Cité d’Ivoire n’aurait pas déparé au Fleuve Noir « Anticipation » avec son intrigue passe-partout dopée à l’adrénaline, histoire de ne pas s’ennuyer. Que ce soient les personnages réduits à des archétypes, la flic chien-de-garde enragée du système, le soldat perdu de l’anarchisme et le citoyen lambda sur le point de devenir le héraut de la révolte, à l’insu de son plein gré, ou l’ambiance fin du monde/fin de règne, rien ne nous est épargné dans ce récit faisant la part belle à l’action. On ne peut certes pas reprocher à l’auteur d’ignorer les thématiques qui innervent les combats politiques, écologiques et sociaux de notre présent. Bien au contraire, ils apparaissent comme le reflet décalé dans l’extrême de la situation contemporaine. Pour autant, comment ne pas penser à La Zone du dehors de Damasio, à Kid Jésus de Pelot, ou à Blue de Houssin, voire à bien d’autres exemples de romans politiques en lisant les aventures du trio de Cité d’Ivoire. Creusant un sillon amplement labouré, l’auteur ne s’embarrasse pas des comparaisons qui ne manqueront pas de surgir, plantant les semences d’une course-poursuite impitoyable entre les tenants de l’ordre et ceux de l’utopie, avec le souci d’une langue travaillée cherchant à épouser la psychologie des différents personnages. Et, s’il se veut critique et parfois, hélas, trop démonstratif, il n’en déroule pas moins les cliffhangers et les artifices de la quête avec une certaine efficacité, tentant d’impulser rythme et souffle à un récit se voulant avant tout divertissant.

Pour peu que l’on ne recherche pas la complexité, Cité d’Ivoire apparaît donc comme un bon choix, du moins si l’on apprécie l’aventure et si l’on reste convaincu qu’un autre monde est possible, comme dirait l’autre.

Laurent LELEU

Ça vient de paraître

La Maison des Soleils

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug