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Les critiques de Bifrost

Chien 51

Chien 51

Laurent GAUDÉ
ACTES SUD
22,00 €

Bifrost n° 109

Critique parue en janvier 2023 dans Bifrost n° 109

La littérature dite blanche, ou mainstream – en tout cas pas SF –, se pique d’Imaginaire de façon appuyée depuis quelque temps… Inutile de revenir sur le prix Goncourt, Hervé Le Tellier. De nombreux autres exemples fleurissent sur les tables des librairies. Laurent Gaudé, figure notable de la littérature française depuis une bonne vingtaine d’années, passe lui aussi de l’autre côté du miroir. Mais sous des habits de « normalité » puisque son roman, Chien 51, ne paraît pas dans la collection dédiée, « Exofictions », d’Actes Sud, mais en littérature française tout court. Pourtant, on y retrouve une brassée de thèmes classiques de SF et de polar.

Zem Sparak habite une mégapole privatisée appartenant à la compagnie GoldTex, capable d’acheter des pays en faillite. Le premier d’entre eux a été la Grèce. Comme l’avaient fait les Romains en leur temps, les nouveaux propriétaires expulsent les habitants du pays et les regroupent dans une gigantesque cité. Mais, question de rentabilisation et d’optimisation (pas fiscale, quoique !), GoldTex les répartit selon leurs qualifications et les besoins sociétaux. La mégapole est divisée en trois zones : la 1 est réservée à l’élite, la 2 aux privilégiés, et la 3 au tout venant (d’ailleurs, aucun dôme ne la protège, elle). C’est là que vit Zem Sparak, un policier, ou plutôt un « chien », le petit toutou à son maitre, tout juste bon à obéir aux ordres les plus dégradants, à effectuer les tâches les plus basses. Dans la lignée des flics pourris et des privés dépressifs, il traîne son mal-être à travers la zone, s’adonnant toujours plus à une drogue capable de le ramener dans l’ancienne Athènes où il se sentait libre, où il se pensait encore humain à part entière. Mais un meurtre va tout changer : le corps d’un homme a été retrouvé. Et – surprise – il a été éventré et ses implants haut de gamme dérobés. Qui était-il ? Que faisait-il là ? Des questions qui conduiront Zem dans les arcanes du pouvoir, en pleine élection, mais aussi dans la fange la plus putride, au contact de malfrats abjects.

Chien 51 ne va pas bouleverser le panorama de la SF française. S’il est bien construit et agréable à lire, il s’apparente à nombre d’histoires déjà lues et il frôle parfois les limites de la caricature : ce monde ne laisse décidément aucun espoir. Rien de novateur, si ce n’est de retrouver des thèmes d’Imaginaire dans un roman hors collection dédiée. Pour les lecteurs de la Bifrosty, cela peut servir de hors d’œuvre, à la rigueur, tant la plume est habile. Gageons que les novices du domaine, eux, s’émerveilleront…

Raphaël GAUDIN

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