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Les critiques de Bifrost

A Short, Sharp shock

A Short, Sharp shock

Kim Stanley ROBINSON
HARPER COLLINS

Bifrost n° 106

Critique parue en avril 2022 dans Bifrost n° 106

Écrit entre ses trilogies californienne et martienne, A Short, Sharp Shock est un texte atypique dans l’œuvre de Kim Stanley Robinson, son unique (court) roman de fantasy. Une fantasy qui ne doit rien aux stéréotypes du genre et qui accumule les visions incongrues, surréalistes, mais qui ne parvient jamais à offrir davantage au lecteur que son étrangeté.

L’histoire est celle d’un homme sans nom, amnésique, rejeté par les vagues sur les rives d’un monde dont il ne sait rien. Il n’est pas seul : une femme, anonyme elle aussi (et jamais appelée autrement que « la nageuse »), se trouve à ses côtés. Mais elle disparaît très vite, capturée par une tribu de guerriers et promise à être sacrifiée. L’homme se lance alors à sa recherche, avec l’aide de créatures à l’apparence presque normale, si l’on fait abstraction des arbustes fruitiers poussant sur leurs épaules. Ce ne sont que les premiers d’une série de personnages plus ou moins bizarroïdes dont notre homme va croiser le chemin au fil de ses pérégrinations.

On ne peut pas dire qu’on s’ennuie à la lecture de A Short, Sharp Shock. En perpétuel mouvement, le récit nous conduit d’une découverte et d’une rencontre à l’autre, au milieu d’un décor de bord de mer sauvage, grandement inspiré à Robinson par un voyage qu’il fit dans les îles grecques quelques années plus tôt. Pourtant, malgré la beauté des descriptions, toute cette animation s’avère bientôt assez vaine. La faute, en premier lieu, à un personnage principal falot, creux, qui se laisse porter par les événements tout du long sans jamais faire montre d’une once de personnalité, et n’affichant guère plus de motivations perceptibles à son périple permanent. De même, le regard qu’il porte sur ce monde inconnu et ses habitants ne parvient pas à faire naître chez le lecteur le moindre émerveillement, la moindre émotion. Surtout, le récit souffre d’une absence de cohérence et d’enjeux forts. Robinson semble avoir écrit son roman au fil de l’eau, sans jamais réussir à en faire autre chose qu’une collection d’images à l’agencement aléatoire et à la signification nébuleuse, faisant finalement de A Short, Sharp Shock un récit aussi singulier que raté.

Philippe BOULIER

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