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Les critiques de Bifrost

Le Barde du futur

Le Barde du futur

Poul ANDERSON, Marc DUVEAU
POCKET

Bifrost n° 75

Critique parue en juillet 2014 dans Bifrost n° 75

A la fin des années 1980, les Presses Pocket se veulent pionnières de la science fantasy en France et ajoutent logiquement à leur catalogue le Poul Anderson de Trois cœurs, trois lions et Tempête d’une nuit d’été. Pour éviter, peut-être, de réduire à cette couleur littéraire le génie créatif de notre auteur, Jacques Goimard décide alors de publier également un recueil rendant justice à l’étendue de sa palette : Le Barde du futur (1988) constituera longtemps, pour le public français, la meilleure introduction aux nouvelles de Poul Anderson.

Six des dix textes courts réunis par Marc Duveau sont alors inédits en français. Parmi ceux-ci, deux, et pas des moindres, « Terrien prends garde ! » (1951) et « Sam Hall » (1953), ont depuis été repris aux éditions du Bélial’ dans Le Chant du barde, et sont évoqués dans d’autres entrées de ce guide de lecture.

Trois petits chefs-d’œuvre ironiques restent introuvables ailleurs. « Epilogue » (1962), d’abord, un texte post-apocalyptique situé dans un futur assez lointain pour qu’une forme d’intelligence, un écosystème et même toute une société soient apparus spontanément à partir des machines survivantes. Une poignée d’humains revient malgré tout sur cette Terre devenue étrangère. Poul Anderson réussit le tour de force de nous faire sentir une improbable empathie pour une intelligence aussi différente de la nôtre qu’il est possible, notre sœur en sensibilité pourtant, en même temps que le drame de l’incommunicabilité sans issue. « La Critique de la raison impure » (1962) met également en scène une intelligence mécanique. Celle-ci est presque trop familière : un concours de circonstances lors de sa mise en service a confit en poésie un robuste robot minier. Comment le convaincre d’aller remplir sa mission dans l’espace ? Réjouissante, la caricature croisée du pur « littéraire » et de « l’ingénieur » est particulièrement réussie. L’humour d’Anderson se fait presque vancien dans « La Vaillance de Cappen Varra » (1957). Ce personnage récurrent est un barde provençal amoureux de l’amour, aussi astucieux qu’allergique au mariage, héros malgré lui d’une heroic fantasy élégante.

« Le Martyr (3) » (1960) s’avère au contraire presque tragique, une réflexion très forte sur la condition singulière de l’homme dans un univers pourtant bienveillant. De bonne tenue globale, les autres textes du recueil sont moins marquants. « Les Enfants de demain » (1947) est la toute première publication SF d’Anderson, une nouvelle post-apocalyptique assez classique. Très classiques, « Duel sur la Syrte » (1951) raconte une partie de chasse sur Mars, et « Interdiction de séjour » (1961) ajoute une touche de perversité aux paradoxes du voyage dans le temps. « Le Barbare » (1956) vaut surtout pour le pastiche de Conan.

Six grands textes, une coupe transversale des thématiques de Poul Anderson : pourquoi se priver de ce recueil généreux, que l’on trouve encore sans difficulté dans les bacs des bouquinistes ?

Priscille DAUMAL

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