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Ada

Ada a disparu. L’inspecteur Frank Logan, de la police de San Jose, est chargé de l’affaire. Mais cela commence mal : lui, totalement imperméable aux nouvelles technologies et à tous ces appareils censés nous faciliter la vie, le voilà à la recherche d’une IA ! Et pas n’importe laquelle : une IA programmée pour écrire des romans à l’eau de rose. Eh oui, eux, au moins, se vendent par dizaines de milliers (de quoi faire baver d’envie d’autres littératures de genre). D’ailleurs, Ada doit parvenir à écouler cent mille exemplaires de sa bleuette. Et elle est, bien évidemment, prête à tout pour parvenir à ses fins. C’est sa raison d’exister.

De fait, pour devenir un écrivain à succès, elle compile toutes les données, toutes les statistiques sur le sujet, lit tous les romans Harlequin (et autres). Et en arrive à des conclusions sans appel : « le sexe vend », mais « au-delà d’un certain seuil, chaque pénétration coûte 2500 lecteurs et je ne parle même pas de pratiques plus scabreuses. » Tout un poème ! Pour améliorer son efficacité, Ada décide très rapidement de prendre contact avec Frank Logan, bien surpris de ce retournement de situation. Il va aider l’IA à mieux appréhender les tenants et les aboutissants d’un monde où les chiffres ne sont pas une valeur absolue.

On l’aura compris, l’intrigue policière est avant tout pour Antoine Bello l’occasion, une fois encore, de s’interroger sur la création littéraire. Ses descriptions de la typologie des romans à l’eau de rose est parfois hilarante. Et la naïveté d’Ada, du moins au début, lorsqu’elle ne saisit pas encore parfaitement la dimension humaine, y est pour beaucoup. Mais l’auteur se questionne aussi sur la valeur de l’écrivain : s’il suffit d’appliquer quelques recettes pour faire à coup sûr un best-seller, à quoi bon continuer à payer ces êtres capricieux et peu fiables ? Et il va plus loin : quels métiers peuvent échapper à une IA efficace ? Quelle est la réelle valeur ajoutée de l’humain ? Les machines ne sont-elles pas plus efficaces pour moins cher, plus… rentables ? Dans quel monde voulons-nous vivre ? Autant de questions qui traversent le roman sans alourdir l’histoire principale. Des questions qui ne sont d’ailleurs pas neuves pour les lecteurs de Bifrost, loin de là – mais n’en sont pas moins traitées de façon agréable.

Reste un bon Antoine Bello, pas un grand. La faute, sans doute, à cette volonté de coller, par le style, aux œuvres dont il parle. Les personnages sont à la limite de la caricature, surtout Frank Logan, policier un peu aigri prêt à tout pour lutter contre un système qu’il abhorre – poussé en cela par sa Française de femme. Quant aux discussions liées à la quantité de pornographie nécessaire au succès d’un livre, pour distrayantes qu’elles soient, elles n’en finissent pas moins par lasser. Tout cela n’enlève rien au plaisir de lecture, mais ôte de la richesse et de la profondeur au récit. Et pousse à attendre avec espoir le prochain opus de cet écrivain talentueux… ou de son IA, pour peu que la prédiction contenue dans le présent roman se réalise d’ici là.

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