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Les critiques de Bifrost

Remington

Remington

Christophe SEGAS
LE NOUVEL ATTILA
211pp - 18,00 €

Bifrost n° 88

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Un cataclysme a ravagé la terre. Pire, les survivants ont perdu toute mémoire de leurs ancêtres. Les voici livrés à l’énigme que constituent pour eux les traces d’une civilisation dont ils ignorent tout et qu’ils essaient de reconstruire à force d’hypothèses, souvent hasardeuses, loufoques parfois. Parallèlement, ils doivent refaire tout le trajet que cette civilisation disparue – la nôtre – a mis tant d’années à parcourir : sortir de la superstition et jeter les bases d’un esprit scientifique qui permette le Progrès.

Telle est la trame de Remington, de Christophe Ségas, connu à ce jour pour quelques textes aux éditions Antidata et du Chemin de fer. Un peu convenue, certes, mais… L’originalité n’est pas dans le sujet en lui-même, elle demeure dans son traitement : l’auteur ne se livre pas à une histoire continue de la reconstruction d’un Progrès érigé en absolu. Il livre des chroniques éclatées sur deux cent ans et cinq narrateurs d’une série de faits qui se répondent et de personnages qui se croisent au fil des pérégrinations de la Remington : un archéologue gagné par la soif du pouvoir que peut lui conférer la compréhension des vestiges ; un peintre obèse juché sur une tour de guet et qui observe ses proches voisins gagnés par un culte de la propreté qui débouche sur l’orgie et le cannibalisme ; le captif d’une sorte d’hôtellerie gagné par les charmes d’un jeune savant fou ; la reine d’une cité qui devient folle et s’enferme dans un gigantesque labyrinthe qu’elle fait construire ; un homme devenu archiviste des récits qui précèdent, et surtout détenteur de cette machine à écrire qui constitue le point pivot de toutes ces narrations… Au fil des récits, Ségas tisse le tableau d’une humanité non pas tant post-apocalyptique que discrètement contemporaine, avec ses pulsions, ses appétits, ses inconséquences, et surtout la menace perpétuelle d’autodestruction qu’elle fait planer sur elle-même. L’écriture est discrète et maîtrisée ; la lecture en est donc facile et on se laisse prendre. Un regret peut-être : on sent qu’un tel monde aurait pu prendre davantage d’ampleur. Attendons les prochaines lignes tapées de C. Ségas…

Arnaud LAIMÉ

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