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Les critiques de Bifrost

Nuit noire, étoiles mortes

Nuit noire, étoiles mortes

Stephen KING
ALBIN MICHEL
450pp - 23,20 €

Bifrost n° 67

Critique parue en juillet 2012 dans Bifrost n° 67

Les quatre nouvelles qui composent ce recueil parlent une fois de plus de drames intimes, de gens ordinaires confrontés à des drames qui les amènent à réagir, et pas toujours de la façon dont on s’y attend. Dans « 1922 », un fermier du Nebraska assassine sa femme, acariâtre, désagréable, avant qu’elle ne vende la propriété qui les fait vivre afin de pouvoir s’installer en ville. Il s’assure la complicité de leur fils, aisément manipulable depuis qu’un amour adolescent fait battre son cœur pour la fille de la ferme voisine. Mais on a beau préméditer soigneusement son acte, rien ne se passe comme prévu, et la cascade d’évènements qui découle du meurtre originel sera pire que tout… C’est comme cette femme, auteur de polars à succès, qui, pour avoir emprunté le raccourci indiqué par la présidente d’un cercle littéraire, est violée et laissée pour morte par un « Grand chauffeur » au retour de sa conférence : en décidant de faire justice elle-même, et découvrant des turpitudes connexes en cours d’enquête, elle risque bien de basculer à son tour dans l’inhumanité… Les motifs qui poussent des gens ordinaires à des conduites excessives sont foncièrement égoïstes, ainsi cet homme condamné qui, afin d’éloigner le cancer pour quelques années encore, est prêt à accepter un pacte pour que son chanceux ami d’enfance voit la roue tourner. « Extension claire » est le plus fantastique récit du recueil. « Bon ménage » s’inscrit dans le droit fil des précédents : comment va agir une femme qui découvre, après vingt-sept ans de bonheur sans nuage, que son mari est un tueur en série ?

La vengeance personnelle plutôt que par voie de justice est un thème récurrent, surtout aux Etats-Unis, mais il est d’ordinaire traité de façon quasi automatique alors que la prise de décision mûrit ici lentement, parfois étayée par des motifs largement secondaires par rapport au préjudice subi. C’est au choix, face à un drame intense, que sont confrontés les personnages de Stephen King dans chaque récit. Des choix cornéliens, qui peuvent pousser la victime à devenir coupable. C’est dans les interstices des vies banales que se niche l’horreur, du moins que le lecteur trouvera les éléments glaçants du récit. L’impensable agit ici comme un révélateur des tréfonds de l’âme humaine, laissant penser que bien des gens honorables ne sont restés estimables que parce que le destin les a épargnés.

Pour nous faire partager ces pénibles prises de décision, Stephen King n’épargne aucun détail de la biographie de ses personnages, insiste sur les aspects sordides des drames, et donne à lire les pensées in-times, les voix intérieures devenant même audibles quand le protagoniste fait jouer à ses figurines le rôle d’interlocuteur. Coller au plus près de la personne a un effet d’empathie certain, mais la propension au ba-vardage atténue beaucoup l’impact de ces récits.

Claude ECKEN

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