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Les critiques de Bifrost

Le Syndrome de l'éléphant

Le Syndrome de l'éléphant

Thierry DI ROLLO
DENOËL
15,00 €

Bifrost n° 51

Critique parue en juillet 2008 dans Bifrost n° 51

Après avoir publié ses deux premiers romans chez Encrage (Number nine, 1997, et Archeur, 1998), puis les quatre suivants aux éditions du Bélial' (La Lumière des morts, 2002, La Profondeur des tombes, 2003, Meddik, 2005, et Les Trois reliques d'Orvil Fisher, 2007 — les trois premiers titres publiés au Bélial' ayant été réédités en poche chez Folio « SF »), Le Syndrome de l'éléphant, septième roman de Thierry Di Rollo, paraît donc chez Denoël, dans la collection « Romans français » (avec une jaquette de couverture typée thriller).

On entend et lit souvent à propos de Di Rollo, notamment dans les pages de Bifrost, que cet auteur a un talent considérable, un talent qui pourrait bien faire de lui le talent de la S-F française… C'est vrai, sans doute, à condition que Di Rollo daigne enfin mettre ses capacités au service d'une histoire. Une vraie. Avec des personnages. Des vrais gens qui vivent autre chose que l'éternel descente aux Enfers que leur inflige leur géniteur à longueur de romans — comme ici, une fois encore, avec ce Syndrome de l'éléphant et Launey, son perso principal, looser congénital affublé d'un don qui ne lui appartient pas, héros (?) « programmé » pour merder jusqu'au bout… Et c'est d'autant plus frustrant que ce bougre de Di Rollo y est déjà presque parvenu à deux reprises avec le diptyque La Lumière des morts/La Profondeur des tombes, deux romans qui relèvent tout de même de la méchante claque littéraire pour tout lecteur normalement constitué.

La « méthode » Di Rollo est simple. Prenez un personnage, n'importe lequel pourvu que ce soit un homme, et brisez-le à longueur de pages sur l'angle aigu d'un système (par définition rigide et donc inhumain), n'importe lequel, politique, social, mental (vous pouvez les mélanger, c'est encore mieux). Tel est l'enfer selon Saint Di Rollo. Peu importe le décor. Et il faut dire que c'est sacrément effrayant (et glauque), parce que le bonhomme a effectivement un talent considérable, tant au niveau de la finesse de la caractérisation de son héros que du style, imparable, aiguisé comme un scalpel… Ça marche, donc, mais ça marche une fois. Je ne connais pour ainsi dire personne qui n'ait pas été frappé à la lecture de son premier Di Rollo (à l'exclusion peut-être de Meddik, plus ambitieux mais aussi plus hermétique). Puis moins frappé au second roman, et moins encore au troisième. D'autant que sur ses deux derniers bouquins, Di Rollo va de plus en plus vers l'épure et des livres extrêmement (trop ?) courts, la « méthode » se muant en « système ». Dommage, encore une fois. On se prend à rêver à un roman de Di Rollo où le « système » se trouverait parfaitement intégré dans un background narratif aussi ciselé que l'est le style de l'auteur, une histoire inscrite dans un monde charpenté (et pas un simple prétexte, rouage de la machine à briser du « système »), nourrie d'horizons d'attentes, de retournements narratifs, de la possibilité, même mince, d'une échappatoire, quelque chose qui, en somme, pourrait s'apparenter à… un scénario. Ne doutons pas que ce livre-là ferait grand bruit.

Pour en revenir au Syndrome de l'éléphant, voilà un bouquin qui pourrait bien secouer le petit monde de la littérature blanche, puisque publié dans une collection hors genres. Il devrait donc toucher des gens qui ne connaissent pas Di Rollo. Ceux-là seront ébranlés, n'en doutons pas, car il y a de quoi. Pour les autres, ils reliront La Lumière des morts/La Profondeur des tombes, et attendront le prochain roman de l'auteur en espérant qu'il apportera la preuve, enfin, que Di Rollo est bien le talent de la S-F française.

Olivier GIRARD

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