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Les critiques de Bifrost

L'Aile d'airain

L'Aile d'airain

Thanh-Van TRAN-NHUT
PHILIPPE PICQUIER
355pp - 9,20 €

Bifrost n° 33

Critique parue en janvier 2004 dans Bifrost n° 33

« Sur cette terre du sud du Viêt-nam où génies et fantômes se côtoient, des défunts réclament vengeance tandis que, dans la moiteur de la jungle, une démone à la beauté dévastatrice guette les hommes pour leur faire subir des outrages que la morale réprouve. De retour dans son village natal, le mandarin Tân est lui aussi confronté à ses propres démons : une mort particulièrement atroce le lance sur les traces de l'homme insaisissable qu'il traque depuis son enfance — son père. »

Ce n'est pas par paresse que je cite infra les premières lignes du quatrième de couverture (celles-ci donnent un aperçu fidèle d'une intrigue qu'il serait dommage de déflorer davantage), mais bien pour montrer aux lecteurs que L'Aile d'airain est un roman de fantasy extrême-orientale publié hors des sentiers battus, chez un éditeur — l'excellent Philippe Picquier — peu habitué à nous abreuver d'histoires remplies de fantômes, démons, succubes et génie de la forêt.

Après Le Temple de la grue écarlate, L'Ombre du prince et La Poudre Noire de maître Hou, L'Aile d'airain est la quatrième enquête du mandarin Tân (guerrier et intellectuel qui ressemble fort au personnage de Chow Yun Fat dans Tigre et Dragon, l'épée Destinée en moins). Tân est ici accompagné par son ami Dinh (un lettré homosexuel très porté sur son petit confort, amateur de colifichets et de ragots de toutes sortes, en particulier ceux causant d'adultère — la « folle » dans toute sa splendeur). Une telle association ne peut que faire songer aux personnages principaux de la formidable trilogie de Barry Hughart (La Magnificence des oiseaux, La Légende de la Pierre, Huit honorables magiciens — Denoël « Lunes d'encre ») et il est vrai que la comparaison s'impose sans forcer : même ton humoristique et grivois, mêmes histoires abracadabrantes de démons et de fantômes, de pharmacopée chinoise hallucinante, d'agapes divines et de spécialités sexuelles raffinées. Seule grosse différence : les enquêtes de Bœuf Numéro Dix et de Maître Li (Hughart) se déroulent dans la Chine du VIe siècle, alors que celles de Tân ont pour cadre l'empire vietnamien du XVIIe. Mais mettons un terme à cette comparaison car, et il me coûte de l'admettre, L'Aile d'airain surpasse d'une franche coudée le meilleur des trois Hughart (Huit Honorables magiciens, à mon humble avis). Quasiment chaque scène du livre de Tran-Nhut — en fait deux sœurs fort discrètes, Kim et Thanh-Van, scientifiques de formation — est un bijou ciselé d'humanité et d'humour ; l'histoire, passionnante, est pleine de mystères qui s'éclaircissent progressivement. Et surtout, il y a les personnages : Tân (juste mais capable d'une extrême violence), Hirondelle (la femme), Dinh (dont chaque apparition est un morceau de bravoure), Monsieur Thiên (et ses problèmes de virilité), Rosée Céleste et ses recettes de viagra médiéval, etc.

Si on me demande quel est le meilleur livre de fantasy publié en 2003, je réponds sans hésiter Rihla de Juan Miguel Aguilera. Mais si on me permet d'ajouter un outsider, je brandis avec plaisir et en faisant le maximum de bruit cette quatrième aventure du Mandarin Tân (ses deux premières enquêtes sont disponibles en poche — Picquier Poche 164 et 203 —, il serait dommage de s'en priver). Et puis, comme dans tout bon DVD, il y a le bonus caché : une fois ce livre refermé, vous aurez appris ce qu'est la Tige de Jade, les Boules d'Or et la Ravine de Cinabre, et peut-être aurez-vous envie d'essayer avec votre conjoint(e) Singes à l'équinoxe de printemps et Ver et Hanneton dans le Même Trou… Tout un programme.

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