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Les critiques de Bifrost

Hunger Games

Hunger Games

Suzanne COLLINS
POCKET JEUNESSE
400pp - 18,15 €

Bifrost n° 60

Critique parue en octobre 2010 dans Bifrost n° 60

[Critique portant sur les deux premiers tomes.]

Les Etats-Unis n’existent plus. Enfin, pas comme nous les connaissons. Le Capitole domine la nation américaine d’une main de fer. Le reste du pays, divisé en treize districts, a tenté de se révolter. Aujourd’hui il n’en reste plus que douze : le dernier ayant été rayé de la carte. Pour l’exemple. De plus, tous les ans, afin de marquer son pouvoir, le Capitole réclame son tribut : chaque district doit envoyer un garçon et une fille (entre 12 et 18 ans) tirés au sort. Ils participeront aux Hunger Games : enfermés dans une arène géante, ils devront se combattre. Le vainqueur sera riche, les autres mourront !

Le roman suit un de ces Tributs, Katniss, jeune fille révoltée du District Douze. Quand sa petite sœur de douze ans est tirée au sort, elle prend sa place. Le personnage de Katniss est digne d’un roman de Dickens : père mort dans un coup de grisou, mère apathique suite à ce décès, district pauvre parmi les pauvres. Heureusement, Katniss a la volonté chevillée au corps. C’est elle qui nourrit sa mère et sa sœur en braconnant. Elle est l’adulte dans cette famille brisée. Sans le savoir, elle est prête à affronter les Hunger Games.

Efficaces, voilà le mot qui résume le mieux les deux premiers tomes d’une trilogie annoncée (le dernier volume, qui vient de sortir aux USA, est prévu pour 2011 en France). Efficaces, mais formatés — ce qui explique sans doute ce gros succès commercial… L’auteur semble avoir pensé, dès l’écriture, au scénario et à la mise en image de son histoire. D’ailleurs le film est déjà en partie réalisé — comme une continuité logique au livre. La bande annonce est disponible sur Internet. Sortie prévue en 2011. Même si cette liaison roman/cinéma est de plus en plus fréquente, elle ne peut avoir valeur d’excuse. Formatage à tous les étages, on l’a dit. Sans s’autoriser la moindre audace. Le récit n’en est pas pour autant désagréable à lire dans ce cas précis. Mais sans surprise. Et avec une grosse impression de déjà vu. D’autant que le sujet a déjà été maintes fois traité et avec plus de talent ! Robert Sheckley dans Tire ou file, Stephen King dans Marche ou crève, etc.

Les épreuves subies dans l’Arène par les concurrents finissent par évoquer un catalogue, l’auteur faisant pour l’essentiel preuve d’inventivité quant à la manière de torturer et tuer ses personnages, au point que cela en devient écœurant — et étonnant pour un livre « jeunesse »… Même si, il faut le reconnaître, Suzanne Collins ne s’appesantit pas trop sur les scènes de violence. De fait, ce qui pouvait sembler une critique de la téléréalité de prime abord s’avère plutôt, au fil des pages, un pur produit pour le public même de cette téléréalité.

Sans parler du fait que l’existence d’une trilogie annihile de fait tout suspens : comment imaginer que la jeune héroïne ne puisse être le grand vainqueur de la boucherie du premier tome ? Qu’elle périra dans les pièges qu’on lui tend dans le deuxième ? On peut à la rigueur s’inquiéter pour ses proches, les concurrents avec qui elle créera des liens. Et encore. Mais pour elle en aucun cas. Il aurait fallu alors d’autant plus d’originalité, de retournements de situation pour tenir la distance. Autre chose, en somme, qu’un bon produit de consommation vite oublié après lecture. Comme tant d’autres.

Raphaël GAUDIN

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