Connexion

Les critiques de Bifrost

Fugue en Ogre Mineur

Fugue en Ogre Mineur

Jeanne-A DEBATS, Stéphanie GAILLARD, Ida MARS, Audrey GUILLOTTE, Justine NIOGRET
ACTUSF
84pp - 10,10 €

Bifrost n° 46

Critique parue en avril 2007 dans Bifrost n° 46

« Dans ce recueil, vous ne trouverez que des femmes. Etonnant, non ?

Non. Les femmes connaissent bien les ogres. Elles ont dormi avec (parfois, ils se cachaient juste sous le lit), elles ont fait cuire des oies grasses pour calmer leurs fureurs, elles ont essayé de leur échapper. Et les ogres connaissent bien les femmes ; là, le vieux tabou de l'inceste les a travaillés, alors qu'ils somnolaient dans leur antre, là, il suffisait de serrer la main pour briser de jolis cous et de jolies vies. » Extrait de la courte mais bonne préface d'Anne Fakhouri.

 Cinq nouvelles, cinq femmes présentées par une sixième et au final, une très jolie surprise là où ne l'attendait guère. Plutôt que de dire du mal de la nouvelle la plus indigne et insignifiante de cette anthologie qui, de plus, a la lourde responsabilité d'y mettre un point final, je préfère plutôt rendre compte des deux meilleurs textes : « L'Ogre de ciment » de Jeanne-A Debats (42 ans, deux enfants, deux chiens, deux chats, deux ex. S'ils font naufrage, elle pense qu'elle sauvera les chats d'abord) et « La Chair choisie » d'Audrey Guillotte (née en 1982 en banlieue parisienne, quelque peu traumatisée par les écrits d'Edgar Allan Poe).

La première de ces deux nouvelles est une histoire d'ogre en banlieue ; malgré ses accents un peu convenus et sa chute téléphonée, il s'agit surtout d'un texte poignant, bien construit autour d'un personnage attachant, terriblement proche de nous. Au final, une très jolie trouvaille taillée dans la chair dure du quotidien et qui, par voie de conséquence, ne manque pas d'émotion.

Le texte de la jeune Audrey Guillotte, « La Chair choisie », est lui d'une toute autre facture. C'est un conte horrible et tendre, l'histoire d'une petite ogresse prénommée Larve, un long texte très riche, parfois magnifiquement écrit, tout à fait du niveau de ce qu'on peut lire dans les Year's Best Fantasy and Horror de St. Martin Press. Un texte qu'on achève assommé et qu'on relit juste pour le plaisir. Une pépite noire, dégoulinante de sang et de sucres en grumeaux qui, à elle seule, vaut que vous vous intéressiez grandement à l'ouvrage Fugue en ogre mineure (dont on notera aussi la jolie qualité de fabrication).

Thomas DAY

Ça vient de paraître

La Maison des Soleils

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug