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Les critiques de Bifrost

Celle qui a tous les dons

Celle qui a tous les dons

M.R. CAREY
L'ATALANTE
448pp - 23,90 €

Bifrost n° 78

Critique parue en avril 2015 dans Bifrost n° 78

A l’automne dernier sont parus plusieurs romans mettant en scène des zombies tâchant de donner un peu de sang frais (ha ! ha !) à un genre qui en a bien besoin : citons Zombie Ball de Paolo Bacigalupi au Diable vauvert, L’Education de Stony Mayhall de Daryl Gregory au Bélial’, Déchirés de Peter Stenson chez Super 8, Le Jour les zombies ont dévoré le Père Noël de S.G. Browne chez Mirobole… Et donc le présent roman de M. R. Carey, qui s’inscrit dans cette mouvance de romans de zombies originaux.

« Celle qui a tous les dons » est, en grec ancien, une traduction du nom Pandore. Celle qui a libéré tous les maux sur l’humanité est aussi le personnage mythologique favori de Melanie, une élève plutôt douée. Surdouée, même. Intelligente, excellente en math, dotée d’une mémoire sans faille… Et qui, à l’instar de ses camarades de classe, passe ses journées de cours fermement sanglée à un fauteuil. Car, selon Caldwell, la directrice de l’établissement, Melanie et ses condisciples n’ont rien d’humains. Ce sont des « affams ». Autrement dit, des zombies. Vingt ans plus tôt, une variété de champignon qui parasite le système nerveux des fourmis a franchi la barrière des espèces et s’est attaquée aux humains. Les individus contaminés se sont transformés en brutes affamées de chair fraiche, transmettant ainsi le parasite. Mais des enfants sont nés de parents malades, et quoique parasités eux aussi, se sont révélés capables d’apprentissage. Helen Justineau, qui donne des cours aux jeunes affams, est persuadée de leur humanité, et s’est prise d’affection pour Melanie. Le jour où le centre est mis à sac par des pillards, ils sont cinq à pouvoir s’enfuir : deux militaires, Caldwell, Justineau… et Melanie.

Sans déroger aux conventions ni aux passages obligés du genre zombie, Celle qui a tous les dons raconte donc leur traversée d’une Angleterre dévastée, où le danger provient aussi bien des affams que des humains non parasités. Voire au sein du petit groupe lui-même. Divisé en chapitres courts, le roman ménage un suspense plutôt haletant, où les flambées de violence sont d’autant plus efficaces que rares, et n’omet pas de questionner l’humanité de ses personnages. Entre Caldwell, désireuse de disséquer le cerveau de Mela-nie pour comprendre le fonctionnement du champignon chez les affams, et la fillette, qui prend peu à peu conscience de sa nature monstrueuse et tente de contrôler des élans sanguinaires irrépressibles, qui est le plus inhumain ? Entre le sergent Parks, survivaliste résolu, et Justineau, la bonté incarnée, qui est le plus apte à survivre ? Avec adresse, Carey évite tout manichéisme. La grande force de Celle qui a tous les dons est bien sûr le personnage de Melanie, troublante fillette en qui réside, peut-être, un espoir pour l’humanité. Pas tout à fait la même dimension messianique que le Stony Mayhall de Daryl Gregory, mais pas loin. Et la conclusion du roman n’est pas sans rappeler celle de Je suis une légende de Richard Matheson. Sans foncièrement réinventer la figure du zombie, Celle qui a tous les dons demeure un page-turner plus intelligent que la moyenne, et que l’on conseillera sans hésiter, même à ceux que les zombies laissent froids.

Erwann PERCHOC

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