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Visages volés

Lucian Yeardance, navigateur galactique accusé d'insubordination, est « placardisé » sur la planète Tezcatl, une colonie lointaine, un trou où il se voit chargé de l'administration du Sancorage, sorte de réserve abritant les malades de la muphormose, une lèpre sacrément répugnante… Entre dégoût, décrépitude morale et confrontation à une hiérarchie procédurière et pas claire, Yeardance découvre ses « malades », leur étrange culture ainsi que, comme il se doit, le secret que cache leur difformité…

Sans réelle actualité depuis des lustres, Michael Bishop, sans doute l'un des plus étonnants auteurs américains de sa génération, aux côtés de Michael Swanwick et Paul Di Filippo, nous arrive ce trimestre avec une novella chez Denoël (« Apartheid, supercordes et Mordecai Thubana » dans Les Continents perdus) et ce roman inédit chez Folio « SF ». Bref, de quoi soulever l'enthousiasme… Sauf que si sa novella dans l'anthologie « Lunes d'encre » convainc, il n'en est pas de même de ce roman. En fait, on en ressort même assez remonté contre l'éditeur. En effet, si on ne peut que saluer l'initiative de publier Bishop, écrivain essentiel, en inédit poche qui plus est, on reste perplexe devant le choix de ce titre, deuxième roman de l'auteur (1977) pas inintéressant, certes, mais néanmoins quelque peu laborieux (en dépit d'un retournement final saisissant), sous la claire influence des maîtres de l'ethno-SF (Silverberg et Le Guin en tête) et pâtissant qui plus est d'une traduction qu'on qualifiera de médiocre, par respect pour notre collaborateur et ami Thibaud Eliroff… Oui, pourquoi ce roman plutôt que le brillantissime Brittle Innings (1994), ou bien encore No Enemy but Time, très touchante histoire d'un voyage temporel à l'époque de l'homo habilis en son temps (1982) saluée par un prix Nebula ? Certes, ces romans sont plus longs, et il faut sans doute voir ici un début d'explication (rapport au coût de traduction). Mais quoi… Si cette double publication roman/novella avait pour ambition de « réhabiliter » un auteur par chez nous méprisé de façon impardonnable, Visages volés manque d'ambition, de force, en un mot d'impact, pour une telle entreprise. Dommage, vraiment.

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