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Trois battements, un silence

« Selon la tradition familiale, [c’est] la faute de la Grande Salope, Mélusine, la fée suprême, celle qui a trahi le premier des Lusigan et a voulu lui voler ses fils. Mais personne ne sait où elle est. Marco pense même que c’est une histoire qu’on s’est racontée dans la famille pour justifier d’être des ordures. » Marco est un de ceux-là. Un enfant dont les fées n’ont pas voulu. Une ordure aussi. Un garçon élevé parmi des hommes, des vrais, ceux qui ont des couilles, qui violent les femmes, les tabassent et parfois même les tuent. Il n’y a pas de place pour le sexe faible chez les Delusi. Ni pour l’amour. Ni pour l’affection, d’ailleurs. Les hommes n’en ont pas besoin. Seul son oncle Ray, qui se rend bien compte que Marco n’est pas comme les autres, s’occupe de lui et s’arrange pour l’envoyer au Foyer, dans l’Entre-Deux. Là-bas, il pourra grandir parmi ses semblables et y développer son don. Car Marco est un danseur, un combattant qui vit au rythme de l’Autre Royaume, celui des fées. L’amour s’en mêle, et rien n’est simple pour le jeune danseur qui tente de fuir le Foyer avec aux creux de ses bras le fils qu’il a eu avec Hannah, la femme dont il est tombé éperdument amoureux. Huit ans plus tard, alors qu’il vit reclus dans la demeure familiale, son fils disparu lui est rendu, suivi par des forces obscures qui lui sont hostiles. Pour le sauver, Marco va devoir affronter son passé et revenir aux origines de la malédiction qui frappe sa famille.

Le dernier battement d’Anne Fakhouri, décédée quelques mois avant la parution de Trois battements, un silence, est dans ces quelques 370 pages que l’on tourne au rythme de Born to run. La quatrième de couverture laisse à penser qu’il s’agit d’un roman un peu éloigné de nos contrées des genres de l’Imaginaire, mais que nenni ! Le héros a pleinement conscience de la magie qui l’entoure et dont il est lui-même un élément. En s’appuyant sur la légende de la fée Mélusine, Anne Fakhouri accuse les non-dits, les secrets, les mensonges, ceux des familles, ceux dont on hérite génération après génération, et de la violence qu’ils engendrent. Le poids de cet héritage que l’on ne choisit pas, qu’on supporte. Et au cœur de ce maelström, l’amour qui lie les femmes et les hommes, un amour incontrôlable, ravageur, qui détruit tout. Deux mondes qui ne se comprennent pas et dont l’Entre-Deux est désormais la frontière.

On pourra reprocher au roman une sensation de tourner en rond à mi-parcours, d’éparpillement, avant de découvrir avec soulagement le passé du personnage fil rouge : Ray. L’oncle aimant. Mystérieux, et mort. Car c’est en ouvrant la porte de ses souvenirs que Marco comprendra les motivations d’Une Ombre, celui qui cherche à s’emparer de son fils Orphée, et de ses liens avec Mélusine. Un conte cruel, donc, qui n’épargne rien à ses personnages, jamais pour le meilleur, toujours pour le pire, mais qui nous fait croire le temps d’une histoire que la magie existe et nous entoure.

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