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Les critiques de Bifrost

Oméga, planète-prison où la Terre envoie tous ses criminels et ses dissidents. Oméga, planète où les bagnards exilés font la loi. Où le meurtre ritualisé est une façon reconnue et acceptée de s’élever dans l’échelle sociale. Où le Mal est célébré tous les dimanches lors de messes noires. Oméga, ro­man de Robert Sheckley écrit en 1960 et quintessence de son hu­mour pince-sans-rire et du regard mordant d’ironie qu’il jette sur ses semblables humains. Dans ce récit, l’auteur propose de suivre le numéro 402, un homme sans passé déporté vers Oméga et qui va essayer de se faire un trou dans cette société de bannis, tout en cherchant à comprendre ce qu’il fait là. La structure, classique pour l’époque de l’écriture du livre, nous le montre dans un premier temps sur Oméga, puis sur Terre, décrivant ainsi les deux faces d’une même pièce. Et soulignant comment deux sociétés ayant choisi deux extrêmes – l’une vers le Mal, l’autre vers la sécurité et la confiance absolues – peuvent au bout du compte se ressembler étrangement pour finir par étouffer d’une trop grande conformité et d’une pression sociale poussant les gens à la folie.

Lu en 2022, ce roman reste pourtant d’une actualité brûlante à l’heure où les vieilles rancœurs issues de la Guerre froide se réactivent et réveillent certaines peurs, notamment d’une escalade nucléaire. Néan­moins, même si la révision de la traduction donne un coup de jeune formel au texte, Oméga reste par d’autres aspects dans son jus du milieu du XXe siècle – on pense aux personnages féminins qui font office de figuration, et de manière plus générale aux seconds rôles peu étoffés. Il s’agit plus ici de défendre des idées et d’explorer ce qu’il se passerait si l’histoire conduisait à cette séparation stricte entre bons citoyens et mauvais (qu’ils soient malfrats ou qu’ils pensent simplement différemment du consensus majoritaire) que de donner une at­tache émotionnelle au lecteur pour suivre les aventures de 402. Un classique mineur de la science-fiction à redécouvrir.

Stéphanie CHAPTAL

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