Connexion

Les critiques de Bifrost

Lord Cochrane et le trésor de Selkirk

Lord Cochrane et le trésor de Selkirk

Gilberto VILLARROEL
AUX FORGES DE VULCAIN
480pp - 20,00 €

Bifrost n° 108

Critique parue en octobre 2022 dans Bifrost n° 108

Thomas Cochrane. Marin, aventurier, inventeur, amiral. Héros britannique des guerres napoléoniennes, disgracié dans son propre pays à la suite de malversations dont il n’était pas responsable, « libérateur » des mers sud-américaines de l’em­prise espagnole, combattant de l’indépendance grecque aussi. Une bio Wikipédia impression­nante. Qu’on pourrait enrichir, grâce à l’auteur chilien Gilberto Villarroel, de la mention d’En­nemi juré de Cthulhu. Lord Co­chrane et le trésor de Selkirk fait en effet suite à Cochrane vs Cthulhu (cf. Bifrost n° 99) et à Lord Cochrane vs l’Ordre des cata­combes (cf. Bifrost n° 102), parus précédem­ment, même si les événements du dernier opus se situent dans l’intervalle de temps qui sépare les deux premiers. Le héros écossais y découvrait les Grands Anciens dans un tour­billon de cape, d’épées et de poudre.

Faut-il avoir lu les autres tomes pour pouvoir lire celui-ci ? Non. Est-ce utile ? Sans doute.

Chili, 1822. Après avoir lutté des années pour aider à libérer les mers chiliennes et péruviennes du joug espagnol, Cochrane sent que le moment est venu pour lui de quitter les terres Pacifique. L’atmosphère politique a changé, et il préfère s’éclipser avant d’être obligé de prendre parti dans la guerre civile qui s’annonce. D’autant que l’empereur du Brésil lui propose de devenir l’amiral en chef de la flotte brésilienne. Deux bonnes raisons de mettre les voiles et de rejoindre Rio de Janeiro. Mais pas d’une traite.

Mis par le général chilien O’Higgins sur les traces d’un trésor dont lui seul comprend l’importance, Cochrane cingle avec deux navires – l’un est son fameux steamer de guerre, le Rising Star – vers la légendaire « île de Robinson Crusoé », qui abrita le ca­pitaine Selkirk, capitaine abandonné par ses hommes sur une terre où il passa quatre ans. Une histoire qui inspira Defoe. De là, Co­chrane veut se rendre dans les «  Montagnes Hallucinées », qui seraient près de la Terre de Feu et dont Selkirk aurait eu connaissance. Sur sa route, un pirate, revanchard et sanguinaire, qui sera un caillou récurrent dans ses bottes. Jusqu’au bout du monde.

Rédigé sur une période de quatre ans, le roman a semble-t-il pâti de ce long temps d’écri­ture. L’admiration que Villarroel exprime pour Cochrane, qu’on sentait dans les deux volumes précédents, est ici vraiment excessive. Et de nombreuses phrases, trop explicatives, parais­sent maladroites. Mais surtout, pendant un gros tiers du roman, entre arcanes de la politique chilienne, séisme en background et roucoulades, il ne se passe pas vraiment grand-chose d’utile. Ce n’est qu’au moment des premiers combats sur l’île de Crusoé que l’action démarre enfin. Et là, la lourdeur s’efface, les qualités vues dans les tomes précédents reviennent et le récit devient haletant. Pour comprendre, il faut savoir que Lord Cochrane et le trésor de Selkirk n’est que la moitié d’un roman dont la suite est à paraître. Le gros premier tiers peut alors être vu comme une longue introduction avant qu’on ne retrouve un Cochrane fort en actes et haut en couleurs dressé avec ses hommes (et femme) de confiance face à un mal antédiluvien. À la fin de ce volume, il s’apprête à partir pour le cœur des ténèbres, accompagné d’alliés Selk’Nam à qui l’auteur rend, deux siècles après, vie et voix. Tekeli-Li !

Éric JENTILE

Ça vient de paraître

La Maison des Soleils

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug