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Les critiques de Bifrost

Les Chiens et la charrue

Les Chiens et la charrue

Patrick K. DEWDNEY
AU DIABLE VAUVERT
656pp - 23,00 €

Bifrost n° 104

Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104

Voici enfin le retour des aventures de Syffe, le personnage principal de L’Enfant de poussière et de La Peste et la vigne, chroniqués dans nos numéros 91 et 92.

Le gamin des rues d’autrefois est désormais un homme, et pas n’importe lequel. Abîmé par de rudes épreuves, ancien guerrier, esclave, mercenaire… Syffe se laisse porter par les événements, n’ayant plus la force ni la volonté de lutter contre les ballottements chaotiques de son destin. Alors qu’il est au fond du gouffre, ayant perdu les êtres auxquels il tenait le plus, prêt à tout abandonner, même la vie, son passé revient le hanter tandis qu’il parcourt la rivière comme contrebandier. Son chemin, sur le point de s’achever, prend un nouveau méandre, et le voilà reparti, presque malgré lui, à voguer vers une nouvelle destination. Car Aidan Corjoug, le garçon qu’il a sauvé autrefois, est désormais un homme de pouvoir, et souhaite utiliser Syffe et sa sulfureuse réputation à des fins politiques.

Revenant sur les lieux de son enfance et retrouvant d’anciens ennemis, notre narrateur se crée une nouvelle meute et confirme qu’il est, plus que jamais, l’étincelle qui met le feu aux poudres des puissants. Mais loin des conflits politiques bassement humains, une menace se dessine, au-delà des frontières des royaumes connus. La pandémie du tome 2 n’était qu’un avant-goût, et Syffe va devoir trouver des alliés inattendus pour tenter l’impossible : rassembler les hommes et affronter ce qui pourrait bien provoquer la fin de leur monde.

Le plaisir de retrouver le personnage est amplifié par celui de savourer l’écriture de Dewdney, qui évolue de tome en tome avec maîtrise. La trame posée dans les opus 1 et 2 s’étoffe davantage, et les fils étirés au début de la trilogie continuent de dessiner un motif qu’on savait complexe, mais qui prend des couleurs de plus en plus vives. Et, toujours, cette chance incroyable, presque insolente pour notre héros, qui, habilement travaillée depuis le premier tome, a l’élégance de faire passer quelques dei ex machina en douceur. L’admirable volonté de vivre du garçon du tome 1, plus forte que toutes les épreuves, reste un pilier, même quand l’homme de ce tome 3 croit vouloir mourir. La trame géopolitique est toujours aussi précise, comme la grande Histoire effleurée par la vie de Syffe… Quelques ingrédients d’une recette qui fonctionne. La comparaison avec Robin Hobb (et George R.R. Martin) est encore d’actualité, et il sera intéressant de voir comment Dewdney clôturera ce cycle… car voilà bien le seul bémol pour cette suite attendue : on devine quelque chose de plus grand, de plus violent, de plus bouleversant, mais cela reste encore à peine évoqué, et l’on pourrait rester sur sa faim, sur cette curieuse sensation de tome transitionnel, s’il n’y avait cette galerie de portraits vivants des personnages secondaires qui soutiennent l’histoire. Une mention particulière pour les femmes, peintes avec vigueur, et qui trouvent enfin réellement leur place dans le récit.

Plus lent et moins aventureux, cet épisode laisse pourtant sur la même sensation que les deux précédents : la suite, s’il vous plaît !

Maëlle ALAN

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