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Les critiques de Bifrost

Les Aventures de John Silence, médecin de l'occulte

Les Aventures de John Silence, médecin de l'occulte

Algernon BLACKWOOD, Max DUPERRAY
TERRE DE BRUME
352pp - 22,00 €

Bifrost n° 108

Critique parue en octobre 2022 dans Bifrost n° 108

Imaginé à l’orée du XXe siècle par le britannique Algernon Blackwood (1869-1951), le singulier John Silence n’est peut-être pas un complet inconnu pour les lecteurs et lectrices de Bifrost. Constitué de six récits, le cycle dévolu à ce personnage (notamment admiré par Lovecraft) avait déjà fait l’objet de traductions françaises entre les années 1960 et 1990. Celles-ci étaient cependant éparses et partielles et Terre de Brume a réédité l’ensemble de ces nouvelles en un seul volume incluant par ailleurs un texte jusqu’alors inédit en français, « Une victime des hauts espaces ». Grâce à l’éditeur breton et à Max Duperray, à la fois co-traducteur et maître d’œuvre de ce recueil, le lectorat francophone peut donc enfin prendre la totale mesure du « Sherlock Holmes du surnaturel ».

Du moins est-ce ainsi que Terre de Brume a choisi de sous-titrer cette première intégrale francophone des Aventures de John Silence, remplaçant ainsi celui choisi par Blackwood et qualifiant son personnage de « Physician Extraordinary » — en français, « le Médecin du Surnaturel ». Docteur en psychiatrie et non pas « consulting detective » de son état, Silence tient en effet bien plus du réel Sigmund Freud que du fictif locataire du 221 B Baker Street. N’ayant pas seulement la qualité de médecin en commun avec l’analyste viennois, Silence partage encore avec lui une méthode. Puisque c’est le plus souvent par le biais de l’écoute de celles et ceux venant le consulter que Silence parvient à identifier, ou plutôt à diagnostiquer l’origine du malaise les taraudant. Surnaturel oblige, les « cures parlantes » menées par l’attentif Silence font apparaître que la dépression ou l’angoisse de sa patientèle trouvent leur source dans un au-delà (ou bien encore les « Hauts Espaces » de la sixième nouvelle) peuplé d’entités issues de diverses mythologies. « Une invasion psychique » emprunte ainsi aux histoires de maison hantée tandis que « Sortilèges et métamorphoses » mobilise la figure de la sorcière. De nécromanciens il est encore question dans « La Némésis du Feu » puisant dans l’imaginaire de l’Égypte antique, et dans « Le Camp du chien » qui fait appel au chamanisme amérindien, tout en y associant le motif lycanthropique. Enfin, le bout fourchu de la queue du Diable lui-même pointe dans « Culte secret ». Soient autant de références traditionnelles auxquelles se combinent celles plus contemporaines de l’imaginaire spirite, comme dans « Une victime des hauts espaces ».

Après avoir débusqué le démon (ou la démone) tourmentant ses patients, le thérapeute Silence se fait thaumaturge. Passant dès lors de l’écoute à l’action, il use offensivement d’un savoir occulte aussi achevé que celui lui permettant d’explorer la psyché humaine. Ces duels constituent les brefs et spectaculaires climax de récits s’attachant pour l’essentiel à restituer des états d’âmes aux prises avec les forces de l’Invisible. Pour ce faire, Blackwood déploie une écriture toute en finesse analytique et même psychanalytique. Un choix narratif qui destine avant tout ces Aventures de John Silence aux amateurs et amatrices d’un fantastique que l’on dit psychologique…

Pierre CHARREL

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