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The Second Angel

Le monde de Second Angel, à deux pas du nôtre — à peine une centaine d’années —, prend la figure d’un divertissement. Notre individualisme, nos négligences, nos libertés prises avec la science sont portées à leurs conséquences les plus morbides. L’homme est atteint dans ce qu’il a de plus vital : son sang, devenu l’ultime valeur économique et mystique. L’humanité est partagée en deux : ceux en bonne santé, ceux veillant sur leur corps comme sur un trésor, et les autres, condamnés à survivre dans des ghettos fétides. Leur monde est en sursis, étreint à la limite de l’asphyxie par la maladie et la technologie. Les digues craquent.

Dans cet étouffement éclate une rage, celle de Dallas, employé modèle à la banque du sang dont la femme et le fils ont été assassinés par le patron. Dallas lui fera payer le prix du sang en s’emparant de la plus importante réserve du précieux fluide située sur la lune et gardée dans une forteresse surprotégée sur lequel veille un ordinateur aux pouvoirs inconnus.

L’univers de Second Angel, miroir grossissant du nôtre, est très crédible. On saluera un usage intelligent de la note en bas de page qui donne au livre un aspect d’étude historique inversée. Cela et la chute en forme d’ouverture métaphysique — l’ordinateur, à tout prendre, choisirait-il d’être Dieu ou Homme ? — fait espérer que le détour de l’œuvre de Philip Kerr par la science-fiction ne restera pas qu’une péripétie.

Deux réserves toutefois : les dialogues qui sont parfois trop explicatifs ; les personnages qui donnent à plusieurs reprises l’impression d’évoluer dans un monde qui n’est pas le leur. Et le livre souffre d’une manie malheureusement trop en vogue parmi certains auteurs, pour qui construire un roman en forme de script dans une suite de tableaux visuels et pétaradants multiplie les chances d’allécher Hollywood.

À lire aussi : la critique de Jean-Pierre Lion de l'édition française du roman.

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