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Les critiques de Bifrost

Le Combat des ombres

Le Combat des ombres

Clément BOUHELIER
CRITIC
688pp - 24,00 €

Bifrost n° 106

Critique parue en avril 2022 dans Bifrost n° 106

À la fin d’Olangar - Une cité en flammes (cf. Bifrost n° 100), la cité éponyme tombait aux mains de ses soi-disant alliés, les Duchés, aidés par le Groendal, un parti politique xénophobe local. Le Combat des ombres, ultime volet de la trilogie « Olangar », montre les horreurs de l’occupation et à quel point l’inévitable libération laissera un goût amer à des héros vieillissants et parfois au bout du rouleau, contraints à des compromis, voire des compromissions, qui auraient été inacceptables pour leurs versions plus jeunes et idéalistes. L’auteur n’a pas choisi la voie de la facilité pour son dispositif narratif, à savoir le récit, a posteriori, des événements les plus marquants de cette année fatidique, rédigé par une personne dont l’identité ne se dévoilera que sur la fin. Un récit qui fait des allers-retours dans le temps, recourant à quelques prolepses et de nombreuses analepses. Si l’ensemble se suit sans peine, il donne aussi le sentiment d’être parfois inutilement convoluté, quand bien même il s’avère plutôt rythmé, et traversé par une intensité dramatique souvent considérable. On signalera d’ailleurs que ce troisième tome est plus noir que les précédents, et que sa fin est tout spécialement amère – ce qui participe d’ailleurs à sa puissance.

Bans et barricades (cf. Bifrost n° 93) n’était pas dépourvu de manichéisme ou de naïveté politico-idéologique. Bouhélier n’a pas manqué de nuancer sa palette dans les volumes suivants. De même, si la description de l’occupation de la ville, très convenue (ghetto, camp de travail, rationnement, arrestations et exécutions sommaires, journalistes muselés, etc.), sujet central de ce troisième opus (comme la lutte sociale était celui du premier et l’écologie/les méfaits du capitalisme débridé ceux du deuxième), ne fait pas l’impasse sur des stéréotypes quand sont décrites les exactions des nervis d’extrême-droite du Groendal, elle s’accompagne surtout de nuances dans le camp d’en face. Qu’il s’agisse de la résistance intérieure, menée par les nains et divisée sur la marche à suivre, ou d’éléments extérieurs, comme Evyna et ses compagnons d’armes, le tableau brossé n’a, cette fois, pas grand-chose d’idéalisé et encore moins de manichéen. Car pour gagner, des exactions (notamment un massacre dans un manoir), des trahisons devront aussi être commises par le camp des justes, et ceux-ci devront nouer des alliances politiques et commerciales, et parfois les cacher au peuple, afin que celui-ci survive aux pénuries. Lucide, l’auteur conclut que le vrai et éternel vainqueur reste le capitalisme et les élites bourgeoises et nobiliaires.

Par sa puissance dramatique et sa clairvoyance dans la description de la façon dont un mouvement de Résistance devra parfois renier ses propres valeurs pour assurer une certaine forme de victoire, Le Combat des ombres est un remarquable point final à la trilogie « Olangar », sans conteste une référence, désormais, en fantasy industrielle et politique.

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