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Les critiques de Bifrost

L'Équateur d'Einstein

L'Équateur d'Einstein

Cixin LIU, Gwennaël GAFFRIC
ACTES SUD
576pp - 24,80 €

Bifrost n° 106

Critique parue en avril 2022 dans Bifrost n° 106

Qu’on l’ait lu ou non, tous les lecteurs de SF connaissent au moins de nom Liu Cixin et sa trilogie du « Problème à trois corps ». Actes Sud, son éditeur français, continue son travail de découverte en publiant l’intégralité de ses nouvelles en deux volumes dont le premier, L’Équateur d’Einstein, vient de paraître sous la direction de Gwennaël Gaffric, traducteur bien connu dans les mondes de l’Imaginaire asiatique. Autant le dire tout de suite, comme toujours dans ce genre d’exercice, on a raclé les fonds de tiroir. Et si certaines nouvelles valent vraiment le détour, d’autres auraient pu rester dans les grottes de l’oubli sans aucune hésitation. Mais pour ceux qui aiment le travail de Liu Cixin, la lecture de cet ouvrage sera l’occasion de découvrir la maturation d’une pensée et l’évolution de sa mise en fiction.

La matière essentielle qui transparaît dans la majorité des textes composant ce recueil, c’est assurément la science. Liu Cixin est un admirateur de ce dont l’humanité est capable. Par l’imagination, par le travail, elle atteint des sommets qui peuvent bouleverser l’existence de toute la planète, en bien comme en mal. Les scientifiques de « Aux confins du microscopique » en sont la preuve, avec leur invention d’une puissante machine qui aura des effets immédiats et catastrophiques sur la planète et ses habitants. Ou celui du « Battement d’ailes d’un papillon », petit texte mettant en scène cette théorie un temps très à la mode : le personnage principal tente de protéger son pays des bombardements ennemis en modifiant les conditions climatiques régnant sur sa ville. En tout cas, la science et son corollaire, la connaissance, sont l’alpha et l’oméga pour lesquels on doit être prêt à donner sa vie : la nouvelle éponyme en donne un exemple inspiré.

Mais Liu Cixin est aussi impressionné par l’espace et sa vastitude, le soleil et sa puissance. Et les dangers qu’ils représentent. Dans plusieurs nouvelles, il met en scène une humanité confrontée à son étoile et à ses sautes d’humeur. Les flashs solaires peuvent avoir des conséquences terribles pour les Terriens. Les solutions imaginées à ce problème sont multiples : dans le « Micro-Âge », ce sont des arches construites pour trouver une autre planète… en vain. Heureusement, un autre tour a été mis en œuvre avec succès. Dans « Terre errante » (déjà publié aux mêmes éditions Actes Sud de façon autonome et étrillé de belle manière dans le Bifrost n° 98), Liu Cixin transforme la Terre elle-même en gigantesque vaisseau lancé hors du Système solaire. Vertigineux, mais raté. Car, et l’on touche là l’un des défauts essentiels de Liu Cixin : il peine à créer des personnages en relief. Une réserve majeure qui tend toutefois à s’atténuer à mesure que l’on progresse dans le recueil, et que l’émotion reprend ses droits, entre autres quand l’auteur rend hommage aux personnes les plus modestes parvenant à réaliser de grandes choses. Le jeune paysan du « Soleil de Chine » ira jusque dans les étoiles. L’enseignant de « L’Instituteur du village » sauvera, sans même le savoir, l’humanité tout entière.

L’Équateur d’Einstein peut s’avérer une bonne entrée dans l’œuvre de Liu Cixin. Il faut juste s’armer de patience – et de bienveillance – pour en profiter, quitte à faire l’impasse sur certaines nouvelles bien anecdotiques. Car nombre de récits émerveillent, tant ils nous permettent de voyager, de rêver, de s’élever.

Raphaël GAUDIN

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