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Les critiques de Bifrost

Futurs foutraques

Futurs foutraques

Sylvie DENIS
ACTUSF
2,99 €

Bifrost n° 103

Critique parue en juillet 2021 dans Bifrost n° 103

[Critique commune à Étranges enfances et Futurs foutraques]

Bien que l’œuvre de Sylvie Denis se compose pour une bonne part de nouvelles, Jardins virtuels et Pèlerinage restent ses seuls recueils papier. En 2014, les éditions ActuSF ont toutefois proposé deux mini-recueils numériques – faute de mieux.

La majeure part d’Étranges enfances est occupée par « La Nuit des grenouilles », une novella aventureuse que n’aurait pas reniée Jack Vance. Sur une planète lointaine, une chasseuse de prime se retrouve plongée dans une affaire impliquant de protéger deux orphelins d’une race de grenouilles géantes humanoïdes ayant commis ce qui, là-bas (et comme partout ailleurs), est considéré comme un acte tabou. Que vaut la loyauté ? D’autant plus que celle de l’humain affecté à la protection des orphelins tient à un implant ?« La Mort de l’ange (Féerie pour un Noël technologique) » emprunte les atours du conte et de la pièce de théâtre («  avec un metteur en scène particulièrement bavard ») : autour d’un carrefour surplombé par la statue d’un ange, de nombreux personnages qui semblent tout droit tirés d’un coffre à jouets, vont se croiser et se recroiser. La situation est grave, l’ennemi est aux frontières, mais d’étranges légendes courent au sujet de cette statue… La longévité d’une histoire dépend peut-être de sa postérité : dans « Peter Pan ne meurt jamais », différentes incarnations du garçon mythique se rencontrent dans la chambre d’un jeune garçon. Un récit à la conclusion cruelle. Dans un futur où tout est virtuel et sous contrôle, « Les Clefs du paradis » (nouvelle issue du Bifrost n° 52) se situent peut-être dans un terrain vague, où les enfants peuvent s’ébattre et se défouler à leur gré. Mais ce paradis reste tel tant qu’il est secret. Au bout du compte, Étranges enfances propose quatre nouvelles de qualité.

Axé SF, Futurs foutraques s’avère plus inégal. Le recueil commence fort avec « L’Aventure de la cité ultime » (récit paru dans le numéro 24 de Bifrost), novelette qui voit Sherlock Holmes et le docteur Watson téléportés sur la Lune, dans un futur distant de dix mille ans. Si les habitants de Lutopia ont besoin du célèbre détective, c’est pour une bonne raison : plusieurs femmes ont été assassinées, acte impensable dans cette société croyant avoir éradiqué la violence… Un excellent pastiche. Un brin anecdotique, le seul texte inédit du recueil, « Les Voies de l’amour », suit les pas de deux amoureux dans un avenir où l’humanité a envahi tout le système solaire. Reste-t-il encore un endroit inédit où aller ? Tombe aussi à plat « Spéléo. com » : dans ce récit, le nec plus ultra est désormais de vivre différentes expériences mais en réalité virtuelle, avec un système de points à la clé. Lorsque l’exploration hyperréaliste d’un gouffre se passe mal pour deux spéléologues, comment faire pour sortir de la simulation… sans perdre les points durement accumulés ? Enfin, « Ma grand-mère et les extraterrestres » commence lorsque les aliens arrivent, quelques heures après le décès de la grand-mère du narrateur – quel dommage, elle qui rêvait tant aux étoiles. Le narrateur va tâcher de parlementer avec les ET… mais rebooter la réalité suffira-t-il ? Une réjouissante pochade.

Cet ensemble choisi de textes confirme le talent de nouvelliste de notre autrice. Aussi, vu le tarif de l’octet, le lecteur équipé d’une liseuse aurait tort de se priver de ces deux recueils.

Erwann PERCHOC

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