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Les critiques de Bifrost

Espace-Temps K

Espace-Temps K

Gérard KLEIN
MNÉMOS
1148pp - 39,00 €

Bifrost n° 104

Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104

D’En terre étrangère (1961) à L’Anneau-Monde (1970) en passant par Solaris (1961), Dune (1965), Ubik (1969), Abattoir 5 (1969), La Main gauche de la nuit (1969), la New Wave anglaise ou encore, au cinéma, 2001 : L’Odyssée de l’espace (1968), entre exubérance et maturité, les années 60 ont été une décennie cruciale pour la science-fiction.

Et la France dans tout ça ? Si la « Nouvelle Vague » comme le « Nouveau roman », qui inspirent en partie cette mutation, sont des inventions françaises, c’est une période de « Malaise dans la science-fiction », pour reprendre le titre d’une analyse de Gérard Klein. À une exception près… Un auteur participe de façon significative à ce grand mouvement mondial et voit ses principaux romans traduits : le même Gérard Klein.

Dès son coup d’essai, Le Gambit des étoiles (1958), Klein, économiste dans le civil, impose sa manière personnelle, faite d’un mélange d’échelles, d’égale attention aux détails et aux métastructures sociales et politiques, fussent-elles galactiques, aux contraintes techniques et aux enseignements des sciences humaines. Au bout du compte, la grandeur et les misères relativistes du voyage spatial à une vitesse proche de celle de la lumière sont démodées par la rencontre de l’humanité avec la téléportation et l’immortalité…

De même, la « Saga d’Argyre » (Le Rêve des forêts (1960), Les Voiliers du soleil (1961) et Le Long voyage (1964)) commence par l’aventure de la terraformation de Mars, trois décennies avant Kim Stanley Robinson, continue avec ce qui pourrait bien être les toutes premières voiles solaires de la SF, pour finir en apothéose avec la transformation de Pluton en arche stellaire, en route vers Proxima du Centaure.

Suivent Le Temps n’a pas d’odeur (1963), réflexion originale sur les meilleures utilisations possibles du voyage temporel pour organiser une civilisation galactique et la gestion des multiples lignes d’univers qui en résultent ; Les Tueurs de temps (1965), qui explore la relativité impérialiste de la supériorité technologique ; Le Sceptre du hasard (1968) et son étonnant concept de « stochastocratie », système politique assisté par ordinateur et fondé sur le manque d’enthousiasme à gouverner ; et enfin Les Seigneurs de la guerre (1970), jeu post-moderne avec les tropes classiques de la SF.

Poursuivant sa politique de réédition patrimoniale des classiques du genre en énormes pavés, Mnémos réunit l’ensemble de l’œuvre romanesque de Gérard Klein en un solide hardcover de belle tenue : un ajout bienvenu à toute bibliothèque SF qui se respecte. Au chapitre des petites imperfections, on pourra toutefois regretter le poids du volume (lutrin indispensable…), les marges maigres et, surtout, un appareil critique minimaliste et des préfaces un peu redondantes. La seule vraie frustration naît toutefois du bonus inattendu de cette édition, un synopsis inédit, composé autour de 1994, d’une fiction très informée mais jamais finalisée sur l’émergence quasi-darwinienne d’une IA collective à partir de robots autonomes, L’Autre vie. Quel roman cela aurait fait !

Éric PICHOLLE

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