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Les critiques de Bifrost

Escape from Kathmandu

Escape from Kathmandu

Kim Stanley ROBINSON
ORB

Bifrost n° 106

Critique parue en avril 2022 dans Bifrost n° 106

Mysticisme, cryptozoologie, royaumes souterrains… Voilà bien des thèmes qu’on n’imaginait guère retrouver dans l’œuvre du très sérieux Kim Stanley Robinson, et qui figurent pourtant en bonne place dans Escape from Kathmandu, roman composé de quatre novellas (les trois premières ont été publiées entre 1986 et 1989 dans Asimov’s Science Fiction Magazine) dont l’action se déroule au Népal. C’est là, et plus précisément à Katmandou, que se rencontrent deux expatriés américains, George Fergusson et George « Freds » Fredericks, deux personnalités qui n’ont pas grand-chose en commun mais se retrouvent embringués dans une aventure rocambolesque… avec un yeti. Car oui, l’abominable homme des neiges existe, sauf qu’il n’est pas abominable pour un sou, il est même fort aimable, et qu’il serait dommage qu’une expédition scientifique mette en danger son mode de vie champêtre en révélant son existence au monde entier. Par la suite, George et Freds ne vont plus se quitter (au grand désespoir du premier, victime collatérale systématique des enthousiasmes forcenés et des idées pas toujours lumineuses du second), partant à la recherche des corps de deux alpinistes ayant tenté l’ascension de l’Everest dans les années 20, essayant d’empêcher la construction d’une route dont le tracé passe par la légendaire vallée de Shangri-La, et celle d’un réseau d’égouts à Katmandou qui mettrait à jour l’existence d’un réseau souterrain secret.

On le voit, Escape from Kathmandu est avant tout une comédie, registre plutôt inhabituel pour son auteur. Dans un premier temps, on ne le sent d’ailleurs pas très à l’aise dans cet exercice, et certaines scènes au potentiel comique évident, comme cette improbable rencontre entre le yeti et l’ancien président US Jimmy Carter, ne fonctionnent guère. Il faut attendre la seconde moitié du livre pour que l’auteur exploite pleinement le potentiel humoristique de ses récits, en particulier grâce à des dialogues savoureux.

L’autre intérêt de ce roman est le regard que porte l’auteur sur le Népal, pays qu’il a eu l’occasion de visiter quelques années plus tôt. Là encore, l’évolution est nette au fil des récits. Si dans un premier temps il en donne une vision qu’on qualifiera de touristique, il s’intéresse ensuite de plus près à la société népalaise, le mode de vie de ses habitants, sa culture, mais aussi ses éléments moins glorieux, qu’il s’agisse de la pauvreté dans laquelle vit une grande partie de la population ou de la corruption endémique de son administration.

On pourra sans doute qualifier Escape from Kathmandu de roman mineur dans l’œuvre de Robinson. Il ne s’en dégage pas moins un charme évident, et il permet de découvrir une facette inattendue mais attachante de son auteur.

Philippe BOULIER

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