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Les critiques de Bifrost

Demain et le jour d'après

Demain et le jour d'après

Tom SWETERLITSCH
ALBIN MICHEL
416pp - 22,90 €

Bifrost n° 103

Critique parue en juillet 2021 dans Bifrost n° 103

Après le succès de Terminus, Tom Sweterlitsch revient chez AMI avec un roman plus ancien (son premier), Demain et le jour d’après. En 2048, un attentat nucléaire rase Pittsburgh, tuant l’écrasante majorité de ses habitants, dont la femme, enceinte et quasiment à terme, de Dominic, absent de la ville ce jour fatidique. Dix ans après, on a créé une reconstitution en Réalité Simulée de la cité, l’Archive, grâce aux données des caméras de surveillance, des webcams, des réseaux sociaux, et à un peu d’interpolation à partir des souvenirs de ceux qui la visitent du fait de l’implant cérébral que tous portent, et qui permet par ailleurs de les faire vivre dans une omniprésente et invasive Réalité Augmentée dans le monde réel. À la base conçue comme un espace de recueillement, l’Archive sert aussi aux enquêteurs mandatés par les compagnies d’assurance, comme Dominic, à rechercher la cause exacte de la mort de telle personne ou de la destruction de tel édifice, dans le but d’éviter de payer les juteuses primes. Or, Dominic va découvrir par hasard un cadavre dans l’Archive, une femme tuée avant l’attentat dont le sort n’intéresse personne. Sa consommation de drogue (renforçant son immersion) lui fait bientôt perdre son emploi, et lors de sa thérapie légalement imposée, son psychiatre lui propose de travailler pour un riche mandataire cherchant sa fille, qui semble avoir été effacée de l’Archive. Les deux affaires vont se révéler liées de bien ténébreuse façon…

À la lecture de ce roman post-apocalyptique particulièrement sombre, on pense avant tout à Peter Hamilton pour l’enquête dans une ville simulée, à Dan Simmons pour le procédé technologique permettant de revivre les souvenirs heureux, à Vernor Vinge pour la Réalité Augmentée omniprésente (et ses pop-ups publicitaires continuels), sans oublier un mélange de Jean Baret (l’humour en moins) et de Robert Jackson Bennett pour la société décrite, où le porno et le sordide sont mis en scène en permanence et sans vergogne, comme lorsque les condamnations à mort présidentielles sont filmées ou que la dernière victime d’un crime du jour voit ses vidéos intimes balancées à une populace avide (de sexe, d’obscène, de scandale) et amorale. À cette critique, sans concessions, des dérives à peine exagérées et projetées de la société américaine du futur proche, à l’enquête (très addictive) de Dominic pour résoudre le meurtre et la disparition, s’ajoutent le récit de sa catharsis (et de sa quête de justice pour les victimes) et celui de l’impossible tentative de rédemption de l’autre protagoniste, Albion. Et c’est sur ce niveau de lecture que se situe le vrai intérêt du roman, très référencé culturellement, sombre mais d’une grande beauté, qui prouve pour la deuxième fois tout le talent de Sweterlitsch.

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