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Les critiques de Bifrost

Comment écrire de la fiction ? Devenir artisan de ses propres histoires

Comment écrire de la fiction ? Devenir artisan de ses propres histoires

Damon KNIGHT
ARGYLL
240pp - 19,90 €

Bifrost n° 108

Critique parue en octobre 2022 dans Bifrost n° 108

Fondateur de la Science Fiction Writers of America, mais aussi co-créateur des premiers ateliers d’écriture professionnels, no­tamment les très courus workshops Clarion, Damon Knight a consacré une part significative de son existence à aider les jeunes auteurs à franchir le cap du professionnalisme.

Ce sont, pour l’essentiel, les conseils rodés à Clarion sur l’écriture de fictions courtes qu’il nous livre ici. Qu’on se rassure : Knight est un pragmatique, non un théoricien de la littérature. Écrivain chevronné, il s’adresse avec bienveillance à des collè­gues moins expérimentés, mais pas exactement débutants : plutôt de jeunes auteurs ayant déjà vendu quelques nouvelles, et con­scients aussi bien de leur capacité à réussir un tel exercice que de sa difficulté. Le ton est léger et les conseils souvent inattendus, comme lorsque Knight décrypte pour nous l’art de la négociation avec « Fred » – l’inconscient de l’auteur, collaborateur indispensable mais capricieux de son moi conscient rationnel et méthodique. S’y ajoutent quelques rappels de bon sens et des exercices d’échauffement potentiellement utiles ainsi que, en appendice, cinq «  règles de Knight pour duper la lectrice ».

Bref : un opuscule utile, quoique ciblant un public assez spécifique. L’éditeur français ne semble toutefois pas avoir fait beaucoup d’efforts pour la mise en page, assez terne en dépit de quelques schémas ; sommaire minimaliste, index absent, et les exercices se retrouvent un peu noyés dans le reste du texte.

La traduction s’avère également discutable, au point d’éjecter parfois certains lecteurs (les plus ringards certainement, comme votre serviteur). Glissons sur le style, moins enlevé que l’original : l’exercice est difficile, même si des con­seils d’écriture passent sans doute mieux lorsque l’on peut effectivement se laisser prendre à la plume de leur auteur. Mais la tra­ductrice fait aussi le choix, bizarre ou militant, mais jamais expliqué ni justifié, de féminiser la destinatrice du discours de Knight : les writer ou author deviennent une écri­vaine ou une autrice, qui devra bien sûr interagir avec des lectrices et des éditrices, voire se faire prestidigitatrice, etc. (le poseur de bombe ou le simple agent de sécurité restant, eux, au masculin). Le procédé n’est en outre pas tenu de façon systématique, ce qui provoque, paradoxalement, après que l’on a fait l’effort de s’y plier, quel­ques sursauts supplémentaires.

Après le chapitre 1 assez réussi de cette collection — Comment écrire de la fiction ? Rêver, construire, terminer ses histoires, par Lionel Davoust (cf. Bifrost n° 103) –, peut-être préférera-t-on plutôt attendre qu’Argyll nous en propose un troisième, de facture plus traditionnelle ? Aux aspirants-auteurs vraiment débutants, on re­commandera Comment écrire des histoires – Guide de l’explorateur d’Élisabeth Vonarburg (Alire, 2013), ou encore Écriture, de Stephen King (Livre de Poche, 2015).

Éric PICHOLLE

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