Connexion

Les critiques de Bifrost

Célestopol 1922

Célestopol 1922

Emmanuel CHASTELLIÈRE
L'HOMME SANS NOM
400pp - 21,90 €

Bifrost n° 103

Critique parue en juillet 2021 dans Bifrost n° 103

Quatre ans après un premier recueil au titre identique ou presque (Célestopol), et chez un nouvel éditeur, Emmanuel Chastellière revient à son univers fétiche, celui de ladite Célestopol, cité lunaire sous dôme fondée au milieu du xixe siècle par l’empire russe, mais dont son dirigeant, le Duc Nikolaï, a arraché l’indépendance à son impératrice de mère grâce à la découverte d’une nouvelle source d’énergie, le Sélénium. Comme son nom l’indique, ce second fix-up de treize nouvelles se déroule de janvier 1922 à janvier 1923, un intervalle temporel bien plus resserré que dans son prédécesseur. On peut, au passage, sans aucun problème lire Célestopol 1922 sans avoir lu ce dernier, dont on retrouve par ailleurs quelques personnages.

Les nouvelles sont semi-indépendantes, puisque si chacune d’elles forme une histoire à part entière (permettant aux néophytes de découvrir peu à peu l’univers uchronique et rétrofuturiste de Célestopol), les protagonistes, lieux ou événements des unes, peuvent se retrouver, en tant que personnages secondaires, ou même simplement entraperçus ou mentionnés, dans les autres. Si l’ensemble navigue entre le merveilleux scientifique à la Jules Verne et un steampunk où le Sélénium remplace la vapeur, certains textes sont dans une veine SF plus classique, et plusieurs semblent établir que la magie et les êtres mythiques coexistent avec la science – le dernier relevant carrément du volet onirique de l’œuvre de… Lovecraft ! Tout ceci aurait pu s’effondrer sous le poids de ses contradictions, et pourtant il n’en est rien. Chose rare dans pareils recueils, il n’y a pas vraiment de texte plus faible ou dispensable que les autres, à part peut-être celui sur Howard Carter (un des nombreux personnages – ou événements – historiques qui apparaissent ou sont mentionnés), qu’une fin poignante met toutefois au même niveau que les autres. Si l’on devait en retenir plus particulièrement certains, on choisirait « Katarzyna » (à l’excellente chute), ainsi que les trois derniers.

Comme à son habitude, Chastellière mêle à sa littérature d’évasion des thèmes sociétaux, certains récits étant engagés sans être agressivement militants, abordant la condition ouvrière, la mécanisation mangeuse d’emplois, l’homophobie, le nationalisme, l’antisémitisme, l’émancipation de la femme ou les droits des intelligences artificielles, dans une veine proche d’Ekaterina Sedia dans L’Alchimie de la pierre (cf. Bifrost n°86), ou, dans sa dimension « une utopie technologique peut se doubler d’une contre-utopie sociétale », de David Marusek dans L’Enfance attribuée (cf. Bifrost 16 et 96). Il ne ménage pas ses personnages, la fin heureuse étant clairement l’exception, mais nous offre, ce faisant, de très beaux moments d’émotion et d’humanité.

Célestopol 1922 est un recueil maîtrisé, poignant, surprenant et passionnant du début à la fin, et confirme le statut d’auteur à suivre d’Emmanuel Chastellière.

APOPHIS

Ça vient de paraître

La Maison des Soleils

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug