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Les critiques de Bifrost

Vongozero

Vongozero

Yana VAGNER
MIROBOLE EDITIONS
448pp - 22,00 €

Bifrost n° 77

Critique parue en janvier 2015 dans Bifrost n° 77

Depuis leur création, les éditions Mirobole se sont spécialisées dans les œuvres de pays de l’Europe de l’est ou du nord. Cap à l’est, donc, pour le point de départ de ce Vongozero : nous sommes dans un futur proche, en Russie, quand soudain une épidémie se met à décimer la population, avec Moscou comme épicentre. Anna, son mari Sergueï et leur fils Micha vivent en banlieue. Lorsque l’épidémie se propage, tuant au passage la mère d’Anna sans que celle-ci ait pu tenter quoique ce soit à cause de la mise en quarantaine du centre-ville, Sergueï décide de partir loin, dans une zone préservée : il choisit le nord, et plus précisément le lac de Vongozero, proche de la frontière avec la Finlande. C’est le début d’un terrible périple pour le petit groupe — la famille a été rejointe par le beau-père d’Anna, leurs voisins et l’ex-femme de Sergueï. L’épidémie a en effet totalement changé les règles sociales, l’individualisme est érigé en seul mode de survie efficace ; l’insécurité atteint des niveaux extrêmes, chacun étant prêt à tout pour survivre…

Le récit est de fait d’une simplicité enfantine : Yana Vagner, qui signe ici son premier roman, va nous décrire par le menu le trajet entre la banlieue moscovite et le lac ciblé. Tout autant qu’une road story au sein d’une Russie dévastée, on a affaire à une sorte de huis clos par intermittences, une grande partie des scènes se déroulant dans l’habitacle des trois voitures utilisées par Anna et les siens pour se déplacer. Un procédé intéressant, qui favorise la montée progressive de la tension, tant dans le pays lui-même (l’avancée du fléau) qu’au sein du petit groupe, les scènes en lieux fermés n’offrant aucun espace pour évacuer les pressions qui ne manquent pas de survenir. Un sentiment d’urgence accentué par la narration à la première personne, et le personnage d’Anna, en permanence au bord de la rupture. Dès lors, il devient évident que l’auteure se désintéresse de son décor apocalyptique pour se consacrer à une étude psychologique d’une dizaine de personnes, s’efforçant d’en montrer la dynamique interne en phase de crise. Or elle s’en sort plutôt bien : les personnages, que l’on pensait parfois un peu trop stéréotypés, cachent en définitive certaines facettes inattendues et acquièrent une profondeur nouvelle. L’empathie fonctionne, mais plutôt que de s’intéresser à l’un ou l’autre (Anna, notamment, parfois un peu tête à claques dans son immobilisme), c’est au groupe que l’on apprend à s’identifier, ne pouvant réfréner l’envie que tous parviennent à Vongozero et que la tension puisse enfin s’apaiser. Il n’en arrive pas moins, malheureusement, que le rythme pourtant déjà très lent de l’intrigue fasse du surplace (comme ces quelques jours passés dans un village de vacances, dans la crainte que l’un des personnages ait contracté la maladie), et on se prend à bâiller quelque peu. Vongozero pèse ses 450 pages, et sans doute Vagner aurait-elle pu l’alléger un tantinet sans sacrifier la profondeur de son analyse psychologique des protagonistes.

Sans être inoubliable, ce roman de Yana Vagner offre au final une vision subjective intéressante de la pandémie plutôt qu’une description minutieuse de son développement, plaçant l’aspect humain au cœur de ses préoccupations. Qui le lui reprocherait ?

Bruno PARA

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