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Les critiques de Bifrost

Sous béton

Sous béton

Karoline GEORGES
FOLIO
224pp - 8,30 €

Bifrost n° 91

Critique parue en juillet 2018 dans Bifrost n° 91

Après Suréquipée de Grégoire Courtois l’an dernier, « Folio SF » continue d’aller chercher au Québec des œuvres qui n’avaient pas eu l’occasion de traverser l’Atlantique jusque-là. Sa nouvelle découverte se nomme Sous béton et est signée d’une artiste touche à tout passant régulièrement, nous apprend la quatrième de couverture, de la littérature à la vidéo ou la modélisation 3D — Karoline Georges.

Le roman se déroule dans un bâtiment aux proportions démesurées, qui ferait passer les I.G.H. de Ballard et les monades urbaines de Silverberg pour de plats pavillons de banlieue. Des milliers d’étages, divisés en millions d’appartements/cellules d’où l’on ne sort à peu près jamais. Le nécessaire y est fourni : oxygène, eau, nutriments, et en guise de distraction, des écrans diffusant en continu des images de l’extérieur sur lesquelles une meute d’êtres à peine humains s’entre-déchirent au pied de l’édifice.

Le récit se focalise sur trois personnages : l’enfant-narrateur, que ses parents n’ont pas pris la peine de nommer, le père, violent et défoncé en permanence à l’abrutissant, et la mère, qui tente à peine de dissimuler ses perpétuelles crises de larmes. Il y a eu d’autres enfants, auparavant, mais ils ont tous fini au recyclage.

Sous béton raconte donc le sort de cette humanité déshumanisée, qui semble n’accepter sa condition que parce que la seule alternative qui lui est proposée (l’extérieur) semble pire encore. Une vie consacrée à des tâches répétitives dont personne ne questionne l’utilité. Sauf, bien entendu, le narrateur. Sur le fond, le roman n’a rien à offrir qu’on ait déjà lu cent fois ces cinquante dernières années. Et quiconque a lu trois dystopies dans sa vie ne sera guère surpris par ce que l’on découvre in fine du fonctionnement de l’Édifice. Sur la forme, Karoline Georges opte pour une succession de courtes scènes, des chapitres parfois à la limite du haiku, et une écriture qui se complait trop souvent dans une forme d’hermétisme. La froideur du style rend parfaitement bien l’horreur des situations qu’elle décrit et accentue le caractère claustrophobe du décor qu’elle met en scène. De ce point de vue, on peut reconnaître à ce roman une indéniable cohérence. De là à vous encourager à y passer l’heure et demie qu’il vous faudra pour le lire…

Philippe BOULIER

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