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Les critiques de Bifrost

Nina des loups

Nina des loups

Alessandro BERTANTE
FLEUVE NOIR
252pp - 18,50 €

Bifrost n° 71

Critique parue en juillet 2013 dans Bifrost n° 71

Plan large sur la forêt. Dans le lointain, un hurlement retentit et, sous les frondaisons, des ombres se déplacent, ponctuées de-ci de-là par deux points lumineux. Une meute de loups.

Lent panoramique. En contrebas, des hommes s’agitent. Une poignée. Jeunes, vieux, femmes et enfants. Aux aguets, ils entendent les hurlements lupins sans vraiment s’inquiéter de la présence de la meute. Les crêtes boisées de la montagne ne leur causent guère de souci, car leur attention est toute entière fixée sur le tunnel à l’entrée de la vallée. Ils en ont dynamité l’accès, espérant ainsi échapper au chaos dans la plaine. La loi du plus fort, la barbarie. Ils aimeraient se faire oublier du fléau dont le ciel annonce la couleur comme un sinistre augure. Peine perdue.

Gros plan. Une jeune fille. Elle sort de l’enfance, les vêtements souillés par le premier sang de règles douloureuses. Elle ne sait pas encore que l’avenir lui réserve davantage de douleur et qu’il fera d’elle un symbole.

Nina des loups, c’est avant tout une ambiance, celle d’un huis clos étouffant. Du nanan pour le cinéma, dans le genre Malevil de Christian de Chalonge, un projet serait d’ailleurs déjà en développement. Le monde a changé de base, ramenant les hommes à une économie de subsistance tributaire de la nature et propice à un retour du paganisme. La civilisation s’est écroulée et de ses ruines ont surgi des bandes barbares. Rien de neuf sous le soleil pour qui connaît un peu l’Histoire et son leitmotiv de jours fastes et néfastes. Des raisons de la chute, on ne sait pas grand-chose. La dépression économique, une pandémie… Alessandro Bertante se contente de distiller des bribes d’information dont on doit se contenter. Son propos se focalise sur le microcosme d’une communauté alpine où l’unique préoccupation se résume à survivre. Une survie bien dérisoire tant les habitants se sentent condamnés, assiégés de toutes parts par des menaces dont la moindre n’est pas celle de leurs alter-ego.

Sur ce canevas très visuel, Alessandro Bertante brode une histoire toute simple. La quatrième de couverture parle de fable post-apocalyptique. Elle évoque La Route de Cormac McCarthy — décidément la référence incontournable en la matière — avec une putasserie exemplaire. Le chroniqueur — benêt qu’il est — n’a lui pensé qu’à La Moïra d’Henri Loevenbruck. Benêt, on vous dit ! Rien ne marche, ou presque, dans ce roman navrant. L’intrigue mollassonne conjugue la caricature et la mièvrerie avec une constance forçant l’admiration. Il faut reconnaître que Alessandro Bertante met la barre très haut. Son art du raccourci et du cliché éblouit. Son abattage lors des situations grotesques suscite un frisson à la commissure des lèvres. Un sourire nerveux, à deux doigts du sourire sardonique.

Résumons les choses. Le village niché dans la montagne est assailli par une bande de loqueteux exécutant sans coup férir sa population, à l’exception de quelques femmes pour la bagatelle et le ménage. On se demande comment ils y parviennent quand on voit les phénomènes… Ils s’emparent des réserves des villageois et prennent leurs quartiers pour l’hiver dans les maisons de leurs victimes. Pendant l’attaque, Nina, la jeune fille mentionnée plus haut, file à l’anglaise et rejoint un reclus vivant en solitaire dans la forêt avec deux loups apprivoisés. Le bougre l’adopte aussi sec. L’hiver arrive et tout deux passent un pacte avec la meute des loups hantant la forêt. Comme les nuits sont froides, les barrières tombent. La gamine couche avec le vieux. Là, on peut dire qu’elle a vu le loup… Elle apprend à tirer à l’arc afin de défendre sa vie et sa vertu lorsque le dégel viendra. Car en bas, les loqueteux s’énervent. Ils rongent leur frein, lorgnant du côté de la forêt, seul lieu échappant à leur emprise.

On pourrait continuer ainsi longtemps, déflorant toute l’histoire, sans parvenir à faire bouger d’un iota le constat. Nunuche, poussif, prévisible et risible, Nina des loups s’apparente à une vraie purge. A côté, Croc blanc, c’est du Tolstoï. Rien, vraiment rien, ne vient relancer l’intérêt pour l’histoire. On cherche en vain des raisons de continuer à tourner les pages et, n’en trouvant pas, on se résout à les sauter, sans craindre de perdre le fil tant les rebondissements semblent téléphonés. A en croire sa bibliographie, Alessandro Bertante n’est pas un novice. Pourtant, il accumule les clichés les plus lourds et les pires recettes du genre. On aimerait ressentir quelque chose en lisant Nina des loups. On souhaiterait s’enthousiasmer ou du moins s’immerger dans son histoire. Las, on n’éprouve qu’ennui. Bref, passons…

Laurent LELEU

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