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Les critiques de Bifrost

Métro 2035

Métro 2035

Dmitry GLUKHOVSKY
L'ATALANTE
640pp - 27,00 €

Bifrost n° 88

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Dix ans après le premier opus de cette série (sept ans en France), Dmitri Glukhovsky nous invite à une nouvelle plongée dans l’univers étouffant des souterrains moscovites. Si Métro 2034 avait relégué Artyom, moyeu central de Métro 2033, au rang de personnage secondaire au profit d’un trio, il reprend ici sa place dans ce nouvel opus. Exit donc Hunter, la machine à tuer. Par contre, le vieil écrivain Homère et la diaphane Sacha vont croiser la route du jeune homme, revenu dans la station VDNKh. Au début du roman, Artyom possède tout ce qu’il faut pour vivre heureux (autant qu’on puisse l’être dans ce monde en déliquescence) : une épouse aimante, fille d’un haut dirigeant, un statut de héros, puisqu’il a débarrassé le métro du « danger des Noirs ». On lui a même trouvé un travail facile et peu contraignant. Mais il ne peut se contenter de cela. Il est toujours rongé par les remords, persuadé d’avoir causé la destruction d’êtres intelligents (les Noirs, donc) capables de les aider à sortir de ce cloaque. Et il est hanté par la mémoire d’un message. Un message reçu à la radio, en provenance d’un autre groupe d’humains rescapés. Il s’accroche à cette idée, à ce rêve d’un ailleurs, d’une possibilité de vivre à nouveau sur la terre plutôt qu’en dessous, tels des rats, des vers… Cette existence lui devient si insupportable qu’il risque quotidiennement sa vie. Il sort, vêtu d’une vieille combinaison, et s’expose aux radiations toujours présentes. Il grimpe sur les plus hautes tours, armé d’un lourd poste de radio, et tente de joindre d’autres hommes, d’autres femmes. La radio-activité commence à produire des dégâts sur son organisme : ses cheveux tombent, son corps répond moins bien. Et les habitants de sa station le regardent avec pitié ou mépris. Aussi, quand Homère débarque et lui parle d’un nouveau message radio reçu voilà des semaines depuis une autre station de métro, Artyom n’hésite pas une seconde. Il abandonne le confort illusoire de VDNKh et part en quête de cette chimère : une porte vers l’extérieur, une chance de récupérer le statut d’être humain.

Revenir, des années après, à une série qui a fait son succès, est un exercice délicat pour tout créateur – nombreux s’y sont essayés, avec pertes et fracas, dans l’espoir de retrouver une gloire disparue. Or, Dmitry Glukhovsky avait parfaitement réussi sa sortie de l’univers foisonnant de Métro : Sumerki, et peut-être plus encore Futu.re, avaient prouvé qu’il n’était pas l’homme d’un seul ouvrage, mais bien un écrivain à part entière capable de changer de genre, de proposer des visions du monde variées, des univers différents et denses. Le doute n’en était pas moins permis…

Un doute que les premières pages de Métro 2035 balayent d’emblée. Moins cloisonné que Métro 2034, très tourné vers les relations complexes unissant Hunter, Homère et Sacha, ce dernier opus de la saga se montre plus ouvert, plus riche d’actions. Bien sûr, les doutes d’Artyom constituent la colonne vertébrale du roman : réflexions désespérées sur l’être humain, concessions dont il est capable pour survivre, sens de la survie même dans un contexte d’extrême brutalité… Aiguillonné par ces questions, le jeune homme cherche des réponses, et pour ce faire voyage : il parcourt des stations encore non visitées, mais aussi la surface, source de surprises et de déceptions, se met à la merci de personnages terribles et, hélas, si crédibles.

Avec Métro 2035, Dmitry Glukhovsky nous offre, non une resucée insipide, mais une nouvelle dimension épique, renouvelant avec succès son univers. Prenez donc une bonne bouffée d’air frais (ce sera la dernière avant longtemps) et plongez à nouveau, sans hésiter, dans les tunnels de Moscou.

Raphaël GAUDIN

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