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Les critiques de Bifrost

... Mais à part ça tout va très bien

... Mais à part ça tout va très bien

Ray BRADBURY
FOLIO
9,90 €

Bifrost n° 72

Critique parue en octobre 2013 dans Bifrost n° 72

… Mais à part ça tout va très bien est un recueil de vingt-et-une nouvelles, sept d’entre elles ayant bénéficié d’une parution originale dans ce volume de 1996, les autres étant issues de divers magazines. On serait tenté de poser sur ces textes postérieurs aux œuvres les plus emblématiques de l’auteur un regard plus exigeant que nécessaire, au risque d’en ressortir insatisfait. Car, disons-le d’emblée, si ces textes n’ont pas la qualité des plus grandes œuvres de Ray Bradbury, il serait dommage de s’en priver. En effet, on retrouve dans ces courts récits tout le talent de l’auteur, leur brièveté permettant d’approcher au plus près le processus d’écriture et la formation de ses idées. Chacun pourra trouver ici au moins une nouvelle qui lui parlera et lui rappellera d’autres textes de Bradbury — un plaisir que l’on ne saurait se refuser.

Tout d’abord, notons que le recueil n’aborde pas — ou très peu — les thématiques de la science-fiction, et s’apparente plus au réalisme magique propre à un Jorge Luis Borges ou un Gabriel Garcia Marquez. C’est le cas avec « Cette fois-ci, legato », où un homme se met à écrire une symphonie dictée par le chant des oiseaux, et dans « Qui se souvient de Sacha ? », où un couple discute avec leur enfant à naître.

Avec « L’Echange » et « Bug », c’est la nostalgie — thème cher à l’auteur — qui prédomine. La guerre y est évoquée en filigrane pour mieux dresser le portrait de deux hommes à la recherche du temps perdu. Dans « L’Echange », un homme revient dans la ville de son enfance, l’espérant semblable à ses souvenirs, mais tout a changé, tout, sauf la bibliothèque. Dans « Bug », deux anciens camarades de classe devenus adultes se rencontrent, dont l’un, ancien champion de danse, a perdu de sa superbe.

Le recueil laisse aussi la place à des nouvelles plus terrifiantes, comme dans « Terre à donner » et « La Porte aux sorcières », où l’action se situe dans un cimetière et une maison hantée.

Avec « La Marelle », « La Femme sur la pelouse » ou « Le Chien est mort… », Bradbury nous plonge, avec une poésie et une délicatesse qui lui sont propres, dans l’intime et le tragique de la condition humaine.

Mais il ne faudrait pas oublier l’humour présent dans « Meurtres en douceur » ; sans nul doute la nouvelle la plus loufoque du recueil. On y découvre un couple âgé, chacun usant de la plus malicieuse des imaginations pour éliminer l’autre. « Dans de beaux draps », même s’il s’agit d’un humour que voile une certaine tristesse, on se prend à sourire devant ces deux femmes qui, apercevant les spectres de Laurel et Hardy, souhaitent leur faire part de leur admiration.

Avec ce recueil, Bradbury brosse la peinture d’un monde étrange puisant ladite étrangeté dans une certaine banalité. Une banalité qu’il transforme en quelque chose de profondément significatif et fantastique. Bradbury est un magicien, un régisseur, un Monsieur Loyal. On pourrait penser avoir déjà lu quantité de textes similaires, et pourtant son style si particulier, son écriture empreinte de poésie font mouche et séduisent, prennent le lecteur par la main et lui prouve combien ce qu’il lit est unique…

Mariline MOREAU

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