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Les critiques de Bifrost

Lunatique spécial Michel Demuth

Lunatique spécial Michel Demuth

Richard COMBALLOT, Jean-Pierre FONTANA, Michel DEMUTH, Alain SPRAUEL
EONS
250pp - 14,80 €

Bifrost n° 48

Critique parue en novembre 2007 dans Bifrost n° 48

Décédé en septembre 2006, Michel Demuth fut une grande figure de la science-fiction française, par son œuvre comme ses activités éditoriales. L'hommage qui lui est ici rendu par Richard Comballot et Jean-Pierre Fontana, ami de longue date, comprend deux interviews réalisées par les susnommés (dont celle parue dans Bifrost n°25) et une bibliographie d'Alain Sprauel (tout autant parue dans Bifrost n°25). La couverture est bien sûr signée Philippe Druillet (peu inspiré), avec qui il réalisa Yragaël. Le reste de ce copieux hors-série laisse la parole à l'auteur qui avait séduit plusieurs générations avec Les Galaxiales, un cycle de nouvelles contant une ambitieuse histoire de futur (publié en deux volumes chez J'ai Lu, le troisième et ultime volet de la saga n'ayant jamais été achevé par l'auteur). Les nouvelles du début et de la fin de sa carrière alternent avec les articles critiques consacrés à Cordwainer Smith et Robert Sheckley, et, dans un registre plus léger, aux illustrations érotiques de Raymond Bertrand et à l'aventure de la revue coquine Paris Hollywood.

Parmi les textes des années 58-59, on remarque les influences (revendiquées) de Sheckley et Vance dans « Marginal II » (deux astronautes commercent avec des extraterrestres) et « Niralia » (l'amoureux d'une extraterrestre aperçue lors de ses explorations d'univers parallèles tente de trouver celui où ils seraient heureux ensemble). Deux nouvelles se rattachant au même cycle, « Translateur » et « Mnémonique », mettent en scène des humains se déplaçant instantanément à travers l'espace grâce aux propriétés des Bleutés, des cristaux permettant la téléportation. À la dimension aventureuse du premier récit fait suite un texte plus poétique où perce déjà le styliste de la maturité. Vance est encore décelable dans « Les Climats », où, sur une planète de villégiature qui reproduit les climats et paysages à la demande du client rôde un ennemi extraterrestre pris en chasse par les vacanciers.

La sélection suivante permet de découvrir un Demuth plus intimiste, qui rend, avec « Le Monde terne de Sébastien Suche » un très bel hommage à sa littérature de prédilection, la science-fiction, et se révèle très autobiographique dans « The Fullerton Incident » : l'auteur apparaît sous la forme d'un fantôme revenu dialoguer avec son épouse. On le voit également s'essayer à la littérature policière avec sa seule mais brillante incursion dans le domaine : « Jérôme et la nymphette », qui fait d'un pédophile un héros. Raconté du point de vue du pervers sexuel, ce texte de 1964 fait preuve d'une belle modernité.

En revanche, « Intervention sur Halme », daté de 1967, reste dans l'esprit et le registre de l'époque, avec une complexe histoire d'espionnage politique sur des mondes éloignés du pouvoir central. « Yragaël ou la fin des temps vers 3200 » est une Galaxiale fort éloignée de la version BD et, enfin, « Dans Le Ressac électromagnétique », paru en 2002, est un magnifique récit où le style de Demuth, débarrassé de toute fioriture et concentré sur l'essentiel, nous fait regretter qu'il ait si rarement repris la plume, et ne soit pas donné la peine d'achever son grand œuvre.

Claude ECKEN

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