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Les critiques de Bifrost

Les Horizons divergents

Les Horizons divergents

Ellen HERZFELD, Gérard KLEIN, Dominique MARTEL, Jean-Jacques NGUYEN, Georges PANCHARD, Mario TESSIER, Philippe CURVAL, André RUELLAN, Jean-François SOMAIN, Jean DION, Jean-Claude DUNYACH, Jean-Pierre ANDREVON, Elisabeth VONARBURG, Yves MEYNARD, Pascal
LIVRE DE POCHE
7,10 €

Bifrost n° 14

Critique parue en juillet 1999 dans Bifrost n° 14

Près de dix ans après Les Mosaïques du temps parait enfin le cinquième volume de « La Grande Anthologie de la Science-Fiction française ». Première remarque : jamais cette série n'a aussi mal porté son titre, puisque sur les seize auteurs apparaissant au sommaire, on ne trouve pas moins de six québécois, de naissance ou d'adoption, ainsi qu'un suisse (Georges Panchard, un habitué). Anthologie francophone, donc, d'autant qu'un nombre équivalent de ces textes sont initialement parus sur des supports étrangers (deux nouvelles viennent de la revue Imagine…, deux autres de Solaris, trois de diverses anthologies québécoises, et la dernière, « Dans l'abîme » de Serge Lehman, de l'anthologie suisse Parapsychologie, publiée par La Maison d'Ailleurs.) En cela, Les Horizons divergents est tout à fait représentatif de la période qu'il couvre (1985-1995), durant laquelle le manque de revues et d'anthologies en France s'est fait cruellement ressentir, tandis que la science-fiction québécoise était florissante. Ironie du sort, au moment où paraît ce volume, la S-F française a repris du poil de la bête, alors qu’outre-Atlantique la situation devient franchement calamiteuse (arrêt de la parution d'Imagine…, problèmes financiers pour Solaris, etc.).

Si Klein, Herzfeld et Martel se sont toujours défendus de vouloir dresser à travers cette série un historique de l'évolution de la, science-fiction en France, revendiquant la qualité des textes comme unique critère de sélection, Les Horizons divergents présente néanmoins un panorama assez fidèle de la période survolée : outre l'importance des québécois, on notera qu'un nombre conséquent de nouvelles proviennent de supports amateurs ou semi-professionnels. A contrario, l'absence de tout texte issu de Fiction (qui fournissait plus du tiers de ceux réunis dans La Frontière éclatée, pour la période 79-84) ne fait que confirmer l'idée que cette revue était déjà morte bien avant de disparaître des kiosques.

Autre intérêt de ce volume : faire cohabiter des auteurs qui, lorsque paraissait la précédente anthologie, n'en étaient encore qu'à leurs premiers pas littéraires (Nguyen, Lehman ou Tessier), et quelques « grands anciens » (Klein, Curval, Andrevon et Ruellan). Là aussi, par-delà la qualité des nouvelles choisies — celles d'Andrevon et Ruellan sont certes amusantes mais tout de même relativement anodines — on imagine de la part des anthologistes la volonté d'afficher une certaine pérennité de la science-fiction française, d'ancrer la période actuelle dans un mouvement plus vaste.

Ceci dit, on pourra bien sûr gloser des heures durant sur la pertinence de publier tel texte, sur l'absence de tel auteur (la seule à me paraître absolument impardonnable est celle de Sylvie Denis, pas même citée dans la préface). S'il me fallait pour conclure et en toute subjectivité citer mon quintet de tête, j'attirerais plus particulièrement votre attention sur « Stellarum nox » de Georges Panchard (évocation tout en subtilité du destin tragique des premiers voyageurs interstellaires), « Dire non » de Jean-François Somain (description minutieuse d’une société future dont les ambitions utopiques se teintent d'une inquiétante nuance de totalitarisme), « Chasseur et Proie » d'Yves Meynard (classique histoire dérapant soudain vers des territoires que ne renierait pas Dick), « Dans l'Abîme » de Serge Lehman (d'ores et déjà un classique de la S-F française) et « L'Homme singulier » de Jean-Jacques Nguyen, certainement la nouvelle française qui m'a le plus marqué ces dernières années. Quoi qu'il en soit, et quels que soient ses centres d'intérêt, le lecteur est invité à faire escale sur ces horizons, nul doute qu'il y trouvera de quoi le contenter.

Philippe BOULIER

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